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Biodiversité
BIODIVERSITÉ
Paris : Menaces sur les jardins des congrégations religieuses
Comment sanctuariser la nature ?
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Aujourd'hui, en raison de la crise des vocations, plusieurs congrégations religieuses abandonnent leurs monastères parisiens. Ils abritent des jardins privés, souvent invisibles de la rue, et de très beaux arbres, parfois bicentenaires. Comment sauver ces îlots de fraîcheur et de biodiversité dans une ville aussi dense que Paris ?
De nombreuses opérations immobilières sont en projet ou en cours de réalisation. Elles ont pour point commun de démolir les petits bâtiments existants et de construire sur la pleine terre dans des espaces arborés privés. Certains, mais pas tous, sont classés au PLU comme « espaces verts » (EVP).
Quelques exemples permettent de mesurer l'ampleur de la destruction qui menace les jardins des congrégations religieuses :
- Au 94 boulevard Raspail (6e), un immeuble de sept étages comprenant sept appartements de luxe (180 m² par étage) est en construction à la place du petit jardin de 350 m² appartenant à la Congrégation des sœurs de Nazareth.
- Au 177 rue Blomet/37 rue Saint-Lambert (15e), propriété des Petites Sœurs des maternités catholiques, seuls quelques arbres subsistent, actuellement enveloppés pendant les travaux d’édification de deux immeubles de deux et sept étages comprenant quatre niveaux de sous-sol.
Trois projets non encore déposés illustrent la frénésie de démolition/construction qui sévit à Paris :
- Au 110 rue de Vaugirard/95 rue du Cherche-Midi (6e), quatre immeubles seront construits sur une parcelle de 7 300 m² et deux immeubles dans le jardin actuel, l'un des plus calmes et préservés de Paris. Le jardin (EVP de 4 000 m²) sera ouvert au public, mais les arbres parfois bicentenaires survivront-ils ?
- Au 11 impasse Reille (14e), après le départ des sœurs franciscaines, les petits bâtiments formant le village Reille seront démolis et 440 logements s'élèveront sur 11 000 m2. Une rangée d’arbres et une allée ouverte au public disparaîtront et le jardin n’est protégé que pour 4 000 m².
- L'avenir paraît sombre également pour le terrain de 2,3 ha appartenant à la congrégation Notre-Dame du Bon Secours (14e) qui est à vendre…
Ces lieux de calme et de beauté disparaissent et les constructions envahissent les jardins. Et, pourtant, ils contribuent à la respiration et aux mystères de cette grande ville, la plus dépourvue d’espaces verts parmi les capitales européennes.
Catherine MARIE
FNE Paris
contact@fne-paris.fr
Revoir le PLU pour protéger les espaces verts
À Paris, les espaces verts privés représentent 5,1 km² sur un total d’espaces verts de 12 km² (APUR 2011).
Ils sont peu ou pas protégés en dépit du vocabulaire trompeur du règlement d’urbanisme et des objectifs ambitieux du Plan climat et du Plan biodiversité.
En réalité, la pression immobilière conduit à ne voir dans les jardins que des terrains à bâtir où la nature a de moins en moins sa place.
Les exemples se multiplient avec la mainmise des promoteurs sur les terrains de la RATP au square Netter (12e) de la Société foncière lyonnaise avenue Emile-Zola (15e), de la Ville de Paris à l’ESPCI (5e). Ils abattent des arbres, dégradent ou détruisent des espaces verts.
Parfois un tout petit projet, tel celui de « l’îlot Navarre » (5e), permet de construire une maison sur une cour arborée en U et peut priver de ciel et de soleil les riverains, troubler un ensemble harmonieux et gêner tout un quartier.
C’est la raison pour laquelle FNE Paris souhaite la révision du PLU actuel pour permettre la sanctuarisation des espaces de nature avant qu’il ne soit trop tard. L’association sonne l’alerte en engageant une action contentieuse et élabore des propositions concrètes à destination des élus d’aujourd’hui et de demain.
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Et si l'Ile-de-France ne chantait plus ?
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L'Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (ARB IDF) a publié en mars dernier son analyse du Suivi Temporel des Oiseaux Communs1 (STOC) sur la période 2004-2017. Le résultat est sans appel : 44 % des espèces en milieux agricoles et 41 % de celles en milieux bâtis sont en déclin.
Il existe trois principaux milieux dans lesquels les espèces peuvent évoluer : les milieux agricoles, les milieux bâtis et les milieux forestiers. Certaines sont plus versatiles et leur faculté d’adaptation leur permet, globalement, d’être stable, voire d’augmenter comme la Mésange bleue. En revanche, d’autres sont inféodées à un type d’habitat et subissent des chutes proches de la « catastrophe écologique »2. C’est le cas, notamment, de la Perdrix grise et du Moineau domestique qui déclinent à plus de 50 %. Seul îlot de paix restant : le milieu forestier, assez peu modifié, dans lequel certaines espèces peuvent augmenter.3
L'homme nuisible pour les oiseaux
Maxime Zucca, chargé de mission naturaliste à l’ARB IDF, pointe du doigt une « région anthropisée ».
Avec « 50 % du territoire agricole largement dominé par l’agriculture intensive », nos amis ailés subissent l’effet boomerang des « cocktails de pesticides », de l’optimisation des procédés et de l’homogénéisation des cultures. Comment survivre quand la nourriture se fait rare ou toxique et l’habitat impropre à la reproduction ?
En ville, les menaces sont multifactorielles mais l’interdépendance avec le milieu agricole est forte. Les Serins, par exemple, ne sauraient se maintenir en milieu urbain sans la dispersion post-juvénile des jeunes qui viennent y nicher.
Nos leviers d’action : « un travail d’éducation, de changement de regard »
Au vu de la problématique de l’étalement urbain et de la densification face à l’accroissement de la population, il est fondamental d’encourager « une gestion écologique des espaces verts » : déminéraliser, développer des anfractuosités sur le bâti ou penser des toits végétalisés qui puissent constituer un réel réservoir alimentaire pour la faune.
Agir sur les questions de nature en ville et la nouvelle PAC en 2020 est essentiel, mais le levier principal réside dans l’action du consommateur-citoyen, précise Maxime Zucca. C’est-à-dire, consommer des produits issus de l’agriculture biologique, locale, manger moins de viande pour libérer des parcelles et rediversifier les cultures et surtout « réinterroger notre rapport à la nature, arrêter de penser qu’une nature qui est spontanée est sale. […] Si on veut changer les choses, il faut commencer par se changer soi ».
Un plan national pour la biodiversité
Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, a précisé, le 16 mai dernier, les grands axes de son projet de Plan Biodiversité, en appelant tous les acteurs de la protection de la nature à lui faire des propositions et à partager leurs idées, pour lutter contre les pollutions, pour inverser la tendance contre l’artificialisation des sols et permettre à la nature de gagner du terrain.
Le ministre de la Transition écologique a donné le coup d'envoi d'une « grande consultation » pour éveiller les consciences sur le sujet, avec un site internet dédié.
Lauren STEPHAN
FNE Ile-de-France
1 Programme mené par le Muséum national d'Histoire naturelle au sein du Centre des sciences de la conservation
2 MNHN, article, 20 mars 2018
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