AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Schéma directeur régional : objectif 2040
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Lancée en novembre 2021, la révision du Schéma directeur de la Région Ile-de-France doit proposer un cadre de développement pour la région à horizon 2040. C'est un document majeur sur lequel tous les autres plans (Schéma de cohérence territoriale, Plans locaux d'urbanisme...) doivent s'aligner.
Si l'exécutif régional a décidé de réviser le SDRIF actuel, qui devait courir jusqu'en 2030, c'est parce que les crises sanitaire et climatique ont changé la donne. L'environnement est devenu central et pour l'affirmer le prochain schéma prendra le nom de SDRIF-Environnemental (SDRIF-E).
TROIS AXES MAJEURS
L'exécutif régional n'a produit aucun document sur sa vision de l'Ile-de-France à l'horizon 2040 mais a pointé trois axes structurants :
1 Le zéro artificialisation nette (ZAN)
Il s'agit d'un objectif imposé par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021. Constatant la bétonisation accélérée du territoire, le législateur a fixé des limites : division par deux de l'artificialisation par tranche de dix ans pour aboutir à l'équilibre en 2050.
Concrètement en Ile-de-France, 996 hectares sont artificialisés chaque année, l'équivalent du bois de Boulogne, et 250 hectares sont renaturés. Soit une artificialisation nette de 805 hectares. C'est encore beaucoup trop ! Nous demandons le zéro artificialisation brute dès maintenant et la renaturation massive de la zone dense qui correspond au périmètre de la Métropole du Grand Paris.
2 Le zéro émission nette (ZEN)
Instaurée par la loi du 17 août 2015, dite de transition énergétique pour la croissance verte, la stratégie nationale bas-carbone est la feuille de route de la France.
Elle a pour objectif d'atteindre la neutralité carbone en 2050.
Cela suppose une baisse de 6 % de nos émissions pendant les vingt-huit années qui nous séparent de l'échéance.
FNE Ile-de-France s'est positionnée clairement pour l'efficacité, la sobriété énergétique et le développement des énergies renouvelables.
3 Le zéro déchet
La loi NOTRe de 2015 a fusionné un ensemble de plans pour aboutir à un plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD). Contrairement aux autres régions, le PRPGD d’Ile-de-France n'est pas intégré au SDRIF et c'est dommage car l'économie circulaire est un des axes majeurs du SDRIF-E. Afin de ne pas consommer plus de ressources que ce que la planète est capable de régénérer, les déchets des uns doivent devenir la matière première des autres.
Cela suppose de réserver du foncier pour le recyclage, la réparation et le réemploi.
Avec nos entreprises partenaires qui travaillent dans le domaine des bâtiments et travaux publics, nous avons fait des propositions qui visent à rendre l'économie circulaire simplement possible.
UN PAS DE CÔTÉ
Tout au long de la concertation préalable, du 16 septembre au 15 décembre 2022, FNE Ile-de-France a fait des propositions en suivant les axes proposés mais aussi en faisant un pas de côté. Nous avons, par exemple, sollicité les associations qui luttent contre les nuisances aériennes pour que nous portions ensemble les revendications de deux millions de Franciliens qui souffrent dans les couloirs de bruit.
Nous avons également fait le bilan critique du SDRIF de 2013, qui est en vigueur. Force est de constater que le « polycentrisme hiérarchisé » et la « densification du bâti » qui devaient permettre de juguler la crise du logement n'ont pas fonctionné. Les villes moyennes ne sont pas parvenues à s'imposer comme pôles de centralité et l'emploi a continué à se concentrer sur Paris et la banlieue ouest. A de très rares exceptions près, telles que le bassin de vie de Versailles, l’Ile-de-France a continué à se développer comme s'il s'agissait d'un seul et même bassin d'emploi. L'embolie des transports qui en résulte est de plus en plus problématique.
Le mal-logement et le manque chronique de logements sociaux (800 000 demandes non satisfaites en 2021) n'ont fait que croître, accentuant le sentiment de mal-être d'une partie croissante de la population francilienne.
Cette situation nous conduit à remettre en question le concept d'attractivité de la région capitale. S'il importe que la région reste accueillante, elle doit d'abord l'être pour ses habitants actuels. Il importe que les zones correspondant aux pastilles jaunes d'urbanisation conditionnelle, qui n'ont pas été urbanisées faute de réalisation des conditions requises, retrouvent une destination d'espace naturel agricole ou forestier et ne soient pas converties en zone d'urbanisation sans condition sur le SDRIF-E. Par ailleurs, le taux d'emploi de 1 ne doit pas être dépassé et, s'il l'est, le pourcentage de pleine terre doit atteindre 50 %.
« Le mal-logement et me manque chronique de logements sociaux (…) n’ont fait que croître (….) »
Le monde agricole, pour sa part, a vécu une transformation rapide en une trentaine d’années, il va devoir à nouveau s’adapter pour résister au changement climatique. Les pistes sont connues, mais elles ne peuvent être totalement liées à la mise en réserve d’eau en hiver pour une utilisation en été…cercle vicieux qui accroîtra à court terme le déficit en eau et augmentera l’évaporation des lacs de retenue. Des champs plus petits, des végétaux adaptés, un retour des animaux de ferme (de la poule au lapin, en passant par le mouton, le porc et la vache). Ce n’est pas un retour aux pratiques ancestrales car la science agricole a beaucoup progressé, mais un type de production rentable car la pratique de la vente à la ferme dans une région densément peuplée fait des heureux. A côté de cela, le développement de l’agriculture bio doit être favorisé par un meilleur soutien régional.
RÉUSSIR LE DIALOGUE
La première mouture du SDRIF-E sera rendue publique au premier trimestre 2023. Elle devrait tenir compte des propositions recueillies par la Région, en particulier lors de la concertation préalable. La région conduit cette concertation de façon chaotique (cf.encadré) mais plusieurs dispositifs pourraient aboutir. Un très bon jeu « Les défis de l’Ile-de-France » a été réalisé en s'inspirant de la Fresque de la ville de dixit.net. Des « Guides pour animer un échange local » proposent différents modèles de réunion. Il faut saluer ces tentatives.
Par la suite, lorsque le projet de SDRIF-E sera publié, une enquête publique aura lieu et nous ferons connaître notre avis sur ce document. Il pourra encore être modifié jusqu'à son adoption par le conseil régional qui est prévue pour 2024. C'est donc le moment d'être force de propositions, ne nous en privons pas. Le groupe de travail sur le SDRIF-E, qui fonctionne à FNE Ile-de-France depuis 2021, joue pleinement son rôle de catalyseur en formalisant, pour le SDRIF-E, les demandes des associations de défense de l'environnement. Il permet de confronter nos points de vue, avec l'aide d'experts ou d'associations amies. Il permet aussi de produire des avis, des plaidoyers, tels que la plaquette « 10 mesures pour réussir le SDRIF-E » publiée en août 2022.
Ce sont ces écrits qui alimentent les prises de position publiques de FNE Ile-de-France ainsi que nos campagnes. En 2022, # laisse béton, a permis de réclamer la sanctuarisation des terres agricoles, cela doit se traduire dans le SDRIF-E par le zéro artificialisation brute !
LE DÉPART DIFFICILE DE LA CONCERTATION
Le 26 septembre dernier à midi, un bus aux couleurs de la région Ile-de-France manœuvre derrière la mairie de Saint-Ouen. L'annonce de sa venue est restée confidentielle, il faut suivre attentivement le site Internet de la Région pour savoir qu'elle lance les « Rencontres de proximité pour la révision du Schéma directeur de la région ». Le code de l'environnement prévoit une phase de concertation préalable qui peut durer trois mois. L'exécutif régional a décidé qu'elle aurait lieu du 16 septembre au 15 décembre sous l'égide de la Conférence nationale du débat public (CNDP). Le bus est un des dispositifs mis en place pour cette concertation, il doit sillonner l’Ile-de-France au plus près des habitants.
A la manœuvre quelques jeunes étudiants issus de la « junior consulting Science-Po » et une poignée d'agents de la région qui se pressent d'installer un barnum car la pluie menace.
Quatre ou cinq panneaux annoncent la révision du Schéma directeur, mais ce que les étudiants ont en main c'est un questionnaire destiné à recueillir notre avis sur l’Ile-de-France en 2040. Rien ne filtre des projets de la région, aucune proposition n'est mise en débat et d'ailleurs aucun élu n'est présent pour ce lancement. C'est comme si tout le dispositif était en cours d'élaboration : les déplacements du bus ne sont annoncés qu'au dernier moment, les réunions publiques qui doivent se tenir dans les huit départements d'Ile-de-France ne sont pas encore arrêtées, les documents d'accompagnement sont en cours d'impression...
Heureusement, vers 12h30, la déléguée au SDRIF-E, Valérie Belrose, rejoint le bus. Elle connaît parfaitement le dossier et a lu nos propositions, un vrai dialogue peut s'instaurer. Mais c'est un dialogue d'experts, les rares passants pressent le pas sous le crachin, sans un regard pour le bus.
Une réunion publique sur le SDRIF-E et des ateliers auront lieu dans tous les départements.
Pour en savoir plus : www.iledefrance.fr/sdrif-e-pour-amenager-lile-de-france-lhorizon-2040
LES CONTRIBUTIONS PRÉALABLES SUR LE SDRIF-E
AVEC LES ASSOCIATIONS DE PROTECTION DE LA SEINE ET DE SES BERGES
FNE Ile-de-France et les associations engagées dans la protection de la Seine, tel que La Seine n’est pas à vendre, proposent ici des contributions visant à mieux protéger ce territoire et à adapter ses usages.
Changer le statut du fleuve
Il nous semble aujourd’hui nécessaire de créer un statut particulier pour les fleuves, ici la Seine et ses affluents, qui permettrait de prendre véritablement en compte les besoins propres des fleuves : développement de la biodiversité ; zones d’expansion des crues ; prévention des inondations et des étiages.
Ce changement de statut, permet de donner une personnalité juridique à un écosystème et donc d'agir préventivement contre les projets écocidaires. Depuis 2009, les initiatives qui reconnaissent des droits à la nature sont encouragées par l'Assemblée générale des Nations Unis.
La gouvernance sur l’Axe Seine (Paris, Rouen, Le Havre)
Il semble aujourd’hui impossible d’uniquement concevoir le fleuve comme part d’une collectivité, d’une commune ou département alors que ses usages sont transverses et dépassent les frontière institutionnelles existantes.
FNE Ile -de-France propose la création d’un Schéma directeur de la vallée de la Seine afin de définir de manière réglementaire les objectifs et moyens nécessaires à la protection de la Seine. Ce schéma directeur devrait s’intégrer aux autres schémas de planification existants avec un rapport de compatibilité et non uniquement de prise en compte afin d’avoir un niveau d’opposabilité important.
La gestion foncière des berges
La Seine ne peut être définie comme étant uniquement le fleuve. Ses berges et rives doivent nécessairement être prises en compte. Ce pourrait être une nouvelle mission au sein de l’Établissement public foncier (EPFIF). Cette entité serait spécialisée dans la gestion foncière des berges. L’objectif de cette nouvelle mission serait de développer la biodiversité mais aussi de promouvoir la mixité des usages des berges.
CONTRIBUTIONS A LA CONCERTATION PRÉALABLR SUR LE SDRIF-E
AVEC DES ENTREPRISES ENGAGÉES POUR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE
Dans le cadre du partenariat mis en place entre ECT, Tersen et FNE Ile-de-France, une réflexion est engagée sur la promotion de l'économie circulaire.
Favoriser le recyclage et la valorisation par la commande publique
Il apparaît que pour permettre le recyclage et la valorisation de 85 % des déchets du BTP, objectif que s'est fixé la région Ile-de-France, la commande publique doit s’imposer comme un outil essentiel mis au service de l’économie circulaire en lui associant la nécessité de créer les exutoires adaptés. En juillet dernier, la Métropole de Saint-Étienne a décidé d'imposer aux entreprises publiques et privées qui travaillent pour la Métropole l'utilisation d'au moins 20 % de granulats recyclés. C'est la voie qu'il convient de suivre en incluant cette préconisation dans les cahiers des charges, non comme une variante mais comme une obligation.
Accompagner l'implantation de plateformes de recyclage
L’Ile-de-France connaît une forte concurrence sur le foncier.
Les friches urbaines sont revendiquées par les uns pour renaturer la ville, par les autres pour créer des logements, pour réindustrialiser la région... L'économie circulaire a également besoin de foncier, d’une part pour traiter au plus près des chantiers les matériaux de déconstruction et d’autre part pour créer les sites pérennes démontrant que le recyclage et la valorisation ne restent pas un vœu pieux.Il importe donc d'évaluer les besoins des intercommunalités en matière de rénovation / réhabilitation et d'en déduire les besoins en termes de plateformes de recyclage/réutilisation.
Afin d'accompagner leur implantation, les charges foncières devront être adaptées à la rentabilité de ces infrastructures. Une démarche volontariste doit être accompagnée fiscalement.
Privilégier l'utilisation de terres excavées pour la renaturation
Correctement amendées, les terres excavées peuvent être utilisées comme support de culture. Plutôt que d'importer des terres arables d'autres régions, il serait vertueux de réutiliser les terres inertes excavées en Ile-de-France.
C'est ce qui a été fait pour créer le parc Georges Valbon en Seine-Saint-Denis, le résultat est probant.
CONTRIBUTIONS A LA CONCERTATION PREALABLE SUR LE SDRIF-E
AVEC LES ASSOCIATIONS QUI LUTTENT CONTRE LES NUISANCES AERIENNES
Maîtriser l'urbanisation dans les zones de bruit
FNE Ile-de-France et les associations engagées contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR, collectif Non au T4...) souhaitent que le SDRIF-E s'engage à limiter l'exposition au bruit et aux pollutions des populations riveraines des aéroports. Dans la zone C du Plan d’exposition au bruit (PEB), la construction de logements collectifs est interdite.
Il est inadmissible que des dérogations soient accordées, comme cela est envisagé sur le Triangle de Gonesse afin d'implanter un internat. Le SDRIF-E doit, d'une part, réaffirmer l'interdiction de construire quelque logement collectif que ce soit dans la zone C, et dans cet objectif demander la suppression de l’article 78 bis de la loi ALUR. D'autre part, conformément aux recommandations de l'Agence européenne de sécurité aérienne (EASA), réduire de 30 % le nombre des habitants exposés au bruit.
Préserver la santé des Franciliens impactés par les aéroports
Afin de protéger la santé des Franciliens impactée par le bruit et la pollution atmosphérique des aéroports, nous préconisons un plafonnement des mouvements sur les trois aéroports majeurs d’Ile-de-France, comme cela va se faire à Amsterdam, une interdiction des vols de nuit, comme à Orly et l'exclusion des avions les plus bruyants.
Par ailleurs, la région et l'État doivent faire l'avance de trésorerie sur le fonds d’aide à l’insonorisation qui permettra d'isoler rapidement tous les bâtiments d'habitation situés dans les Plans de gêne sonore (PGS). Le SDRIF en vigueur prévoit de rechercher la maîtrise des nuisances induites par « l'activité aéroportuaire ». Force est de constater que l'objectif n'est pas atteint.
Réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien
Nous demandons que le SDRIF-E s'engage à prendre en compte l'ensemble des émissions du transport aérien - y compris celles des vols internationaux ainsi que les émissions de gaz à effet de serre autres que le CO2 - et à soutenir les mesures de plafonnement des aéroports franciliens demandées par les associations : en effet seule une réduction du trafic dès maintenant permettra au transport aérien de réduire ses émissions de CO2 de 80 % d’ici à 2050 comme prévu dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone, selon le rapport de l’ADEME sur les scénarios de transition écologique du secteur aérien[1].
NOTRE AVIS SUR LE SCOT DE LA MGP
La Métropole du Grand Paris, qui regroupe 131 communes (Paris, petite couronne et quelques villes au-delà, dont Argenteuil), a élaboré un Schéma de cohérence territoriale. Ce document commande aux Plans locaux d'urbanisme, il est fondamental.
Du 3 octobre au 5 novembre 2022 le SCOT de la Métropole a été soumis à une enquête publique. FNE Ile-de-France y a contribué. Nous avons rappelé quelques fondamentaux et discuté plusieurs mesures. La priorité, aujourd'hui, est à l’adaptation / atténuation du réchauffement climatique et plus à la recherche d’une attractivité économique. La biodiversité s'effondre dans la zone dense, il est indispensable de renaturer massivement. Le SCOT acte l’artificialisation de 180 hectares des « coups partis » nous dit-on, c'est beaucoup trop ! Tous les projets qui n'ont pas été réalisés doivent être remis à plat au regard de la séquence Éviter / Réduire / Compenser. Il faudra veiller à ce que « éviter et réduire » soient réellement étudiés.
Nous contestons également l'objectif de produire 38 000 nouveaux logements par an qui nous est imposé par la loi Grand Paris de 2010.
Nous demandons des prescriptions claires afin d'interdire toute construction nouvelle à proximité des axes dont le niveau de pollution est supérieur aux normes réglementaires. Nous insistons pour que les réseaux d'eau non potable soient valorisés...
Retrouvez l'avis complet sur notre site Internet.
Dossier réalisé par Luc BLANCHARD
à partir des travaux du groupe de travail SDRIF-E de FNE Ile-de-France
[1] https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/5815-elaboration-de-scenarios-de-transition-ecologique-du-secteur-aerien.html