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Enquête publique sur le SCOT de la métropole du Grand Paris
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Une métropole résiliente
Le SCoT métropolitain est un document de planification indispensable qui doit permettre de dépasser les intérêts particuliers des communes pour le bien de tous.
Les aménagements urbains permettant de résister de manière passive (sans apport d’énergie) aux changements climatiques sont à privilégier. Ainsi, la prise en compte des continuités paysagères (relief, vallées, belvédères...), le développement de la nature en ville (espaces verts et milieux humides) pour préserver la biodiversité et lutter contre les îlots de chaleur. Le maillage du cœur dense de la métropole par la trame verte et bleue doit être prioritaire.
Une attention particulière sera portée à la connexion du territoire métropolitain au reste de l’Île-de-France. Plusieurs territoires de la grande couronne (Grand Paris Sud, Cœur d'Essonne, Roissy Pays de France... ) élaborent leur SCoT en même temps que la métropole, des synergies peuvent être trouvées. C'est particulièrement vrai dans le domaine agricole, l’Île-de-France a vocation à nourrir la métropole, à travers des circuits courts.
Les enjeux
Si nous partageons l'essentiel du diagnostic effectué par l'IAU et l'APUR, les enjeux retenus (qui préfigurent le contenu du PADD) ne nous paraissent pas toujours appropriés. Il en est de même pour la structure du document « Diagnostic », qui aurait dû hiérarchiser ses objectifs en commençant par « La Métropole du Grand Paris face aux défis de la transition énergétique et de l’adaptation au changement climatique ».
Le réchauffement climatique a des effets sanitaires dévastateurs sur les villes denses (îlots de chaleur et pollutions). Le schéma régional de cohérence écologique d’Île-de-France (SRCE) et la trame verte et bleue doivent permettre d'atténuer le choc et sont donc appelés à devenir la colonne vertébrale du SCoT métropolitain. De ce fait, nous sommes en désaccord avec l'enjeu présenté en page 47 du document provisoire ainsi rédigé : « La sanctuarisation des espaces agricoles restants et la diminution de la consommation d’espaces naturels dans les années à venir ». Nous réclamons au contraire que les espaces semi-naturels, les espaces en eau, les forêts et les espaces verts urbains, cessent d'être des variables d’ajustement pour l’urbanisme ou les infrastructures de transport ! Il faut les protéger et les développer, comme les espaces agricoles. Ce sont des espaces de fraîcheur et de bien-être pour les habitants, particulièrement lors des périodes de canicule. L'hypothèse présentée par le diagnostic métropolitain d’une élévation de +2°C de la température moyenne sur la zone dense n'est plus celle retenue par Météo-France (rapport présenté le 8 mai 2018) qui penche actuellement vers des élévations de +4 à +6 °C. Un tel scénario implique des orientations très différentes pour les aménagements urbains. Accroître la densité des immeubles hauts, boucher toutes les dents creuses, accroître les rues « canyons » vont diminuer la ventilation naturelle de la ville et augmenter les îlots de chaleurs.
Le logement dans la métropole
La question du logement mérite que l'on s'y arrête. En effet, si nous critiquons l'objectif de 1,5 million d'habitants supplémentaires dans la métropole à l'horizon 2030, nous ne sommes pas moins convaincus qu'il faut agir pour combattre le mal-logement. La croissance naturelle de l’Île-de- France est de 78 000 habitants par an, selon l’INSEE, et environ 1,5 million d’habitants sont mal logés. La construction neuve peut être une option, mais il faut aussi prendre en compte les très nombreux logements vacants (100 000 appartements vacants à Paris et probablement autant en petite couronne) et les bureaux vides (10 % du parc soit 5 millions de m²). Dans ces conditions, la construction de 30 à 35 000 logements neufs par an serait suffisante. Il s'agit essentiellement de logements sociaux puisque 70 % de la population métropolitaine est éligible à ce type de logements. La répartition de ces logements doit permettre de limiter les déplacements domicile-travail et donc rapprocher logements et emplois. Concomitamment, il importe d'améliorer les dessertes de proximité à l'intérieur des bassins de vie, de limiter les coûts d’infrastructures (réseaux : assainissement, eau, énergie, routes et transports collectifs) surtout en zone déjà dense et de limiter les risques en zone inondable (900 000 habitants en zone inondable en Île-de-France !). Il s'agit d’appliquer les PPRI d’une manière plus stricte et de favoriser la renaturation de la ville, ce qui nécessite d'aménager, comme le SRCE le demande, au moins 30 % d'espaces verts en pleine terre dans toutes les opérations de restructuration réhabilitation. Il faut créer des espaces ouverts suffisamment étendus pour répondre à l’objectif de l'OMS (repris par le SDRIF) : 10 m² d’espaces verts par habitant, accessibles à pied en moins d'un quart d'heure. Dans les zones carencées en espaces verts, la construction de nouveaux logements doit, systématiquement, être accompagnée de renaturations d’importance suffisante.
Enfin, il faut considérer que l'habitat pavillonnaire offre des espaces ouverts de respiration et des jardins qui contribuent à dépolluer l’air. Nous rappelons que Paris a consommé au cours des siècles son habitat individuel pour arriver sur certains îlots à 300 logements à l’hectare et des arrondissements, comme le 12e, à plus de 150 logements à l’hectare, contribuant ainsi à accroître l’ensemble des risques sanitaires (chaleur, maladies, tensions et violences). La métropole doit se fixer des limites de croissance en tenant compte de son environnement. Elle gagnerait à favoriser le développement des pôles urbains et des villes moyennes sur l'ensemble du territoire national et sur des zones déjà urbanisées, plutôt que d'entretenir avec eux une compétition illusoire.
Les dépenses publiques doivent être orientées vers les territoires où leur efficacité est la meilleure (rapport de la Cour des Comptes de juin 2018).
A l'horizon 2030
Si l'objectif de polycentrisme semble acquis, il n'en est pas de même de la mixité des fonctions et des usages. Les surfaces logistiques et d'activités, aujourd'hui implantées en grande couronne, doivent être recentrées, en particulier à proximité des gares. Il est déplorable que les grandes zones logistiques ferroviaires urbaines métropolitaines aient été détruites et urbanisées (zone des Batignolles, halles Pajol et Freyssinet, entrepôts Macdonald, gare de Rungis…). Cela favorise le transport marchandise par camion, de même que la consommation, pour l'implantation d'aires logistiques, de 100 hectares de bonnes terres agricoles franciliennes par an à 70-80 km du centre de Paris. Réagir suppose un contrôle du foncier et en particulier de son prix. L'Établissement public foncier d'Île-de-France peut y contribuer.
La valeur ajoutée du SCOT
Le SCoT métropolitain, en précisant au plus près du terrain les grandes orientations du SDRIF, et du SRCE doit apporter une valeur ajoutée. Mailler la trame verte et bleue, conforter le polycentrisme en s'assurant de la mixité des fonctions c'est véritablement faire face aux défis de la transition énergétique et de l’adaptation au changement climatique.
Légende : La trame verte et bleue doit pénétrer jusqu'au cœur de la capitale
Autre domaine structurant, celui des transports. Nous souhaitons le développement des transports doux et alternatifs à la route, comme le transport fluvial et ferré, l'amélioration des transports en commun ainsi que des infrastructures piétonnes et cyclables. D'une façon générale, il conviendrait qu'il n'y ait pas de construction s'il n'y a pas de transports en commun. En ce qui concerne le Grand Paris express, il apparaît surdimensionné et d’un coût qui dépasse de trop loin les objectifs fixés (rapport de la Cour des Comptes février 2018), nous réclamons la suppression des lignes 17 et 18.
Enfin, la sauvegarde et le développement de la biodiversité dans la métropole est un objectif central sur lequel le SCoT doit être prescriptif. La désimperméabilisation des sols doit être la règle ainsi que, par exemple, la déconnexion des eaux propres (souterraines) du réseau d'égout et le maintien des eaux de pluies à la parcelle
Les outils
Le PADD doit se fixer des objectifs ambitieux afin de faire face aux défis présents et à venir. Par la suite, le règlement pourra s'appuyer sur ces grandes orientations et préconiser l'utilisation d'outils tels que : Plans de zonage pluvial / Coefficient de pleine terre dans les opérations d'aménagement (30 % minimum) / Caractérisation des espaces verts par leur biodiversité / Coefficient de biotope par surface (CBS) minimum établi en fonction des territoires plus ou moins carencés / Économie circulaire, pour que nos déchets deviennent des ressources...
Promouvoir les dynamiques citoyennes
Tous les dispositifs techniques, aussi performants soient-ils, ne peuvent remplacer l'implication des citoyens. En faisant évoluer nos usages vers plus de sobriété, nous créons les conditions d'une meilleure qualité de vie. Cela nécessite de réduire les déplacements sources de gaspillages et de tensions. Cela suppose également de renforcer les solidarités et la démocratie de proximité à l'échelle des Établissements publics territoriaux (EPT). La mise en place, sans frilosité, de structures de participation permanentes est indispensable (démarche de co-construction dans lesquelles particuliers, associations et autres parties prenantes, partagent analyses de situation, solutions à faire progresser, alternatives, évaluation…). N'oublions pas que si la métropole du Grand Paris est un territoire riche et puissant c'est également là que les inégalités sociales et environnementales sont les plus importantes.
Luc Blanchard
Chargé de mission MGP
FNE Ile-de-France