Eau

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Cartographie des cours d'eau et zones non traitées
Où en sommes-nous en Ile-de-France ?

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20 21 188 91 salmouille 242Le droit de l’eau s’est récemment enrichi d’un nouvel outil permettant d’encadrer l’usage de pesticides à proximité des cours d’eau : les zones non traitées (ZNT).
Une trop grande autonomie laissée aux préfets pour mettre en place la protection des ZNT a permis une mise en application très hétéroclite de cette protection sur le territoire français, au gré des rapports de force locaux avec les agriculteurs, ce que constate une récente évaluation du CGEDD*.
D’autant plus que le déploiement de cette protection fait référence à une cartographie des cours d’eau faisant elle-même débat.
Le point sur la situation en Ile-de-France.

 

L’enjeu de la cartographie des cours d’eau

La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 a inscrit dans le code de l'environnement (article L. 215-7) une définition du cours d’eau à l’aide des trois critères suivants :

-  présence d’un lit naturel à l’origine,
-  présence d’un débit suffisant une majeure partie de l’année,
-  présence de source indépendante des précipitations.

La qualification de cours d’eau est déterminante pour la protection de ce dernier car la loi sur l'eau réglemente tous les travaux en milieu aquatique susceptible d’impacter un cours d’eau. Sur tous les milieux non reconnus comme cours d'eau sur les cartographies des cours d'eau, des travaux modifiant la structure comme des travaux de recalibrage ou de rectification et autres modifications du profil deviennent alors envisageables sans démarche préalable au titre de la Loi sur l’eau.

Sur la base des critères légaux, le travail de cartographie des cours d'eau consiste à rechercher les informations bibliographiques et à compléter les analyses par des expertises de terrain. Pour des raisons diverses, la cartographie des cours d’eau ne transcrit pas toujours la réalité des cours d’eau sur le terrain, ce qui a tendance à soustraire de toute protection le linéaire concerné. De plus, sur un linéaire considéré à tort comme fossé par les services instructeurs, la répression des infractions pénales par la police de l'eau sera fragilisée.

Ainsi, même si la cartographie des cours d’eau n’est pas juridiquement opposable aux tiers, ses lacunes peuvent s’avérer préjudiciables pour la protection des milieux aquatiques.

Une autre conséquence dommageable de la cartographie des cours d'eau réside dans le fait que d'autres règlementations y font référence, au lieu de la définition légale du cours d’eau. C'est le cas des points d'eau autour desquels sont appliquées les ZNT.

La définition des points d’eau bénéficiant des ZNT

Avec un objectif différent, un arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché de pesticides (codifié à l’article L. 253-1 du Code rural) a défini une autre notion, le « point d’eau », à laquelle s’applique une protection spécifique. La ZNT correspond à une zone tampon en bordure d’un « point d’eau » sur laquelle toute application directe de produits phytopharmaceutiques est interdite. L’arrêté définit les « points d’eau » par une référence à deux notions préexistantes cumulatives : l’ensemble des cours d’eau identifiés en application de l’article L. 215-7 du code de l’environnement d’une part et, d’autre part, l’ensemble des éléments du réseau hydrographique figurant sur les cartes IGN. L’arrêté prévoit également qu’il appartient aux préfets de département de désigner les « points d’eau » à prendre en compte pour l’application de la ZNT.

En application de ces nouvelles dispositions, l’ensemble des préfets de France ont pris des arrêtés définissant des « points d’eau », avec des critères variables.

La situation en Ile-de-France

Le travail a été très hétérogène sur le territoire francilien. C'est dans les départements de la grande couronne que se situent les enjeux de cette cartographie. Dans les départements de l'Essonne, la Seine-et-Marne, les Yvelines et le Val d'Oise, les points d'eau sont définis comme étant les linéaires classés uniquement cours d'eau ou indéterminés sur les cartographies des cours d'eau départementales, les cours d'eau identifiés au titre des règles de bonne condition agricoles et environnementales ainsi que les mares indiquées sur la carte IGN.

Or, certains linéaires ne sont plus considérés comme des cours d'eau sur la cartographie des cours d’eau, les ZNT n’y protègent donc plus les linéaires concernés.

L'Essonne illustre le cas extrême d’une démarche fondée uniquement sur la volonté politique de réponse favorable aux demandes de la profession agricole, non justifiées au regard de la définition légale. L'objectif politique affiché a dès le début été une cartographie qui se voulait complète à court terme. Le travail a été précipité, sans expertise de terrain rigoureuse et objective et sans concertation satisfaisante de tous les acteurs. Cela a mené à des déclassements massifs des linéaires de têtes de bassin, sans application des critères légaux sur le terrain. L’expertise de terrain de l’Agence Française pour la Biodiversité qui définissait certains cours d'eau a été volontairement ignorée. L’arrêté préfectoral définissant les points d’eau ZNT fait uniquement référence à la cartographie des cours d’eau : cette dernière comportant une proportion importante de linéaires classés en fossés sans justification, la restriction des points d’eau aux seuls cours d’eau actuellement cartographiés constitue une régression.

En Seine-et-Marne, le travail des trois dernières années a abouti à la perte d’environ 10% de cours d'eau, soit plus de 400 kilomètres. Certaines décisions concernant le statut des linéaires à fort enjeu agricole ont été prises davantage sur le plan politique qu’à la lumière des éléments techniques factuels à disposition.

Dans les Yvelines, des expertises de terrain ont eu lieu mais la pression de la profession agricole sur les services de l'Etat a été de plus en plus forte. Cela a eu pour conséquences une grave dégradation du niveau de protection des points d'eau vis-à-vis des produits phytosanitaires.

Dans le Val d'Oise, la cartographie se base uniquement sur les traits pleins de la carte IGN, elle-même très incomplète. Des linéaires ont aussi été déclassés sans justification technique. Les linéaires hydrographiques absents de la carte IGN sont considérés de fait comme des fossés, ce qui représente un risque de perte considérable sur les écoulements de tête de bassin. L’arrêté préfectoral définissant les points d’eau ZNT est de la même nature que celui de l'Essonne, provoquant les mêmes risques de dégradation.

Cette cartographie a donc abouti dans ces départements à une régression de la protection des milieux aquatiques.

A l'heure où la prise de conscience écologique est générale, cela va à l'encontre de la protection de l'environnement sur nos territoires et de la santé des citoyens, toutes deux déjà bien malmenées.

Les associations d'étude et de protection de la nature constituent maintenant le dernier rempart à cette disparition silencieuse de nos cours d'eau.

 

NaturEssonne
naturessone.fr

 

* CGEDD, Protection des points d’eau – Evaluation de la mise en œuvre de l’arrêté du 4 mai 2017, publié le 1er juillet 2019.

EAU
La Bièvre continue à dynamiser les élus
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                                                             94 - Fresnes                                                        78 - Haras de Vauptain                                               78 - Buc

L’Union pour la renaissance de la Bièvre (URB) fête, en 2018, le vingtième anniversaire de sa création. Son fondateur, Marc Ambroise-Rendu, avait réuni une trentaine d’associations autour d’un but commun : mettre en valeur le patrimoine naturel de la rivière en améliorant la qualité de ses eaux, en maîtrisant ses débordements et en la remettant à l’air libre dans sa partie aval où elle n’était plus qu’un égout.

Dès le début, l’URB avait demandé que soit appliquée à la vallée une procédure de SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux). Il a fallu attendre une dizaine d’années pour que se mette en place la commission locale de l’eau chargée de l’élaboration de ce SAGE. Ce dernier a démarré en 2008. La procédure extrêmement lourde n’a abouti qu’en 2016. L’Union pensait que l’essentiel du travail était fait et que la Bièvre était maintenant sauvegardée. Mais elle a découvert que ce SAGE n’était pas applicable pour l’instant du fait des nouvelles lois (NOTRe, GEMAPI et Grand Paris). Vingt ans de combat pour un résultat virtuel !

Heureusement, les collectivités aiguillonnées par les associations n’ont pas attendu le SAGE pour améliorer la Bièvre. La partie amont a été remarquablement aménagée par le SIAVB (Syndicat intercommunal pour l’assainissement de la vallée de la Bièvre). Ses dernières réalisations sont la création d’une zone humide qui constitue un pôle de biodiversité et permet en même temps de stocker 10 000 m 3 en période de crue à Jouy-en-Josas.

À signaler, également, la remarquable renaturation du ru des Godets, affluent rive gauche de la Bièvre, à Antony, qui était depuis longtemps dans un état déplorable ainsi que la création d’un parc arboré bientôt ouvert au public le long du cours d’eau à Massy. Le SIAVB a lancé récemment un chantier de remise au jour d’un tronçon de Bièvre enterré à Verrières-le-Buisson. Toute la haute vallée de la Bièvre est désormais accessible aux randonneurs grâce aux sentiers et passerelles créés par ce syndicat.

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La basse vallée, comprise entre Antony et Paris, a été récemment l’objet d’une réouverture à L’Haÿ-les-Roses (après une autre, il y a une quinzaine d’années, au parc des Prés, à Fresnes). La réouverture de la Bièvre au parc des Coteaux, à Arcueil, a été programmée par le département du Val-de-Marne et devrait être entreprise en 2018. Un petit affluent rive droite de la Bièvre, à Fresnes, le ru de Rungis, a été récemment aménagé en y favorisant la biodiversité, alors que c’était auparavant un cloaque servant souvent de décharge.

Le trésorier de l’URB, Gérard Fabbri, vient d’être élu président de la Marche de la Bièvre, manifestation qui draine chaque année, au printemps, plusieurs milliers de marcheurs. Ils partent à minuit de Notre-Dame de Paris pour rejoindre les sources de la rivière. Dernièrement, l’URB a apporté son appui à une jeune dessinatrice qui entreprend la réalisation d’une bande dessinée romancée sur la Bièvre. La Bièvre possède toujours son pouvoir de fascination.

Tout cela montre que, même si les solutions offertes par la loi sont extrêmement longues et ne débouchent pas forcément sur une amélioration, l’action obstinée des associations a fait changer les mentalités des décideurs dans cette vallée emblématique.


78 - Haras du Vauptain

Alain CADIOU
Président de l’Union pour la renaissance de la Bièvre

©Alain Cadiou