Energies
Climat, Air & Energie
CLIMAT
La transition énergétique en Ile-de-France
La clé du futur
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Avant la révolution industrielle du XVIIIe siècle, le mix énergétique mondial était 100 % énergie renouvelable (EnR). La transformation de nos modèles énergétiques au profit des énergies fossiles a débouché, entre autres, sur le changement climatique. Le limiter suppose, aujourd’hui, d’amorcer une nouvelle transformation de ce modèle, dans un contexte de débats houleux sur l’énergie, de guerre en Ukraine et de flambée des prix. Dans le même temps, l’urgence pour lutter contre le changement climatique n’a jamais été aussi pressante : limiter le réchauffement à la fin du siècle et atteindre la neutralité carbone en 2050 suppose d’agir dès aujourd’hui, au vu de l’inertie du système climatique et des délais nécessaires à la concrétisation des projets énergétiques.
Un séminaire organisé, le 21 mars 2022, avec RTE, ENEDIS* et la participation de l'ADEME a permis de revenir sur les scénarios de transformation du modèle énergétique de notre région.
Entreprendre la transformation de notre modèle énergétique
Les enjeux sont triples : répondre aux besoins de consommation en énergie des Français, respecter la trajectoire de neutralité carbone en 2050 prévue par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), et favoriser l’autonomie énergétique. Pour y parvenir, RTE prévoit une réduction de 40 % des consommations énergétiques à l’horizon 2050 en France, mais une augmentation, dans le même temps, de 35 % de la consommation électrique. Cela correspond, en moyenne, à son augmentation de + 1 % par an, portée par l’électrification des usages, surtout dans les transports et l’industrie. Sur ce dernier point, un chiffre concerne particulièrement l’Ile-de-France : le triplement de la consommation des datas centers, appelés à se développer principalement dans la région capitale.
Notre région, la plus consommatrice d’énergie, est aussi celle où les capacités de production d’énergie sont les moins importantes. Les perspectives en matière d’extension du parc photovoltaïque et éolien apparaitraient ainsi très faibles malgré le grand nombre de toitures : notre participation au parc national, dans tous les scénarios, plafonne à 3 % (contre 2 % aujourd’hui), selon ENEDIS. Seule la géothermie présente un fort potentiel. Une solidarité énergétique doit donc être maintenue entre les régions : la révision du SDRIF-E est une occasion à ne pas manquer pour revoir les perspectives énergétiques de notre région et son intégration, sur ce sujet comme sur d’autres, dans un cadre national.
Un autre scénario de RTE propose de plus fortes ambitions en matière de sobriété énergétique. Dans celui-ci, la baisse des consommations énergétiques tiendrait, en particulier, à l’extension du télétravail, mais aussi à une plus grande mutualisation de l’habitat et des transports. Deux points sur lesquels l’Ile-de-France possède des atouts certains : la prédominance du secteur tertiaire est un terreau favorable au télétravail et l’habitat y est collectif à plus de 72 %.
LES ATTENTES DE FNE ILE-DE-FRANCE
La sobriété, première piste à valoriser
Atteindre la neutralité carbone suppose ainsi de mobiliser tous les acteurs : citoyens, État, collectivités locales, entreprises. Pour les citoyens, il s’agit de modifier nos habitudes, comme FNE Ile-de-France l’a proposéau cours du séminaire : réduire nos déplacements en véhicules individuels au profit des transports collectifs, recourir au télétravail pour les postes « télétravaillables », réduire nos achats de biens neufs au profit de biens recyclés, des produits locaux tant pour les biens que pour l’alimentation, en réduisant aussi la consommation de viande rouge… Dès lors, le développement d’une économie circulaire et du réemploi devient une nécessité pour l’État. Si la sobriété passe, en partie, par les comportements individuels, ceux-ci ne compteront, au maximum, que pour 25 % de l’effort à faire selon le cabinet d’experts Carbone-4.
La sobriété est ainsi avant tout une affaire d’État : en matière de consommation énergétique des bâtiments, l’isolation des logements, qui permet de réduire fortement les besoins de chauffage, est une solution onéreuse (de 10 000 à 30 000 € par appartement dans les copropriétés). L’isolation est rentable dans la durée, mais elle doit être soutenue par l’État. Les pouvoirs publics ont lancé des plans pour l’isolation des logements : ma Prim’Renov (2 milliards €/an) et les aides du plan de relance ont porté sur 750 000 logements, en 2021, sur la France entière. Mais les objectifs sont trop faibles sachant que le parc national de logements est de 37 millions en 2021, soit cinquante ans pour rénover la totalité du parc.
Produire des EnR en Ile-de-France
À côté des efforts individuels pour réduire la consommation énergétique, la production d’EnR doit être amplifiée. L’Ile-de-France est une région riche en capacité géothermique. Les puits géothermiques reliés à des réseaux de distribution de chaleur permettent de chauffer plus de 600 000 logements sur les 5,5 millions que compte notre région. Ce chiffre pourrait être doublé. Si cette solution est onéreuse à mettre en place (20 millions d’euros pour un forage et un réseau de chaleur pour 5 000 logements), elle est amortie en moins de vingt ans pour une quasi-gratuité de fonctionnement.
En ce qui concerne l’énergie solaire, FNE Ile-de-France est convaincu que la production pourrait être largement amplifiée, contrairement aux estimations d’ENEDIS, qui, dans ses calculs, s’est vu contraint par la Programmation publique de l’énergie 2019-2028. Celle-ci encourage en effet d’avantage le solaire au sol que celui en toitures, dont notre région est si riche. Si cette solution est plus onéreuse, la priorité qui doit être donnée à la préservation des sols, puits naturels considérables de carbone, rend ces considérations mercantiles dépassées.
Les éoliennes font l’objet d’un rejet par la population en raison d’une mauvaise présentation des projets. Outre ce rejet, il y a peu de secteurs venteux où elles pourraient être implantées. Toutefois, sur les toits des grands immeubles des éoliennes horizontales (diminution de l’impact visuel) pourraient être implantées, mais leur apport énergétique serait faible.
En revanche, FNE Ile-de-France s’oppose au développement du bois-énergie, aujourd’hui en hausse constante. La combustion du bois pose deux problèmes majeurs : les ressources en bois de notre région sont limitées (l’accroissement naturel de la forêt francilienne est de 1,1 million de m3/an, beaucoup moins que les 3 millions de mètres cubes consommés par an dans la région) et la combustion du bois produit non seulement du gaz carbonique, mais aussi des particules polluantes pour l’air. La neutralité carbone du bois n’est assurée que si sa production compense sa combustion ce qui n’est pas le cas dans notre région.
En Ile-de-France, la sobriété énergétique doit devenir notre leitmotiv ; l’utilisation de la géothermie et de la récupération d’énergie (data center, réseaux d’assainissement…) doit être développée, les toits doivent se couvrir de panneaux photovoltaïques. Mais atteindre la neutralité carbone passe également par la révision de nos objectifs : plusieurs études convergentes montrent que l’attractivité et la croissance économique à tout prix ne permettront ni d’améliorer ou de maintenir nos conditions de vie ni de nous adapter au changement climatique.
*Voir documents ENEDIS et RTE sur Fne-idf.fr
Margot HOLVOET
Directrice de FNE Ile-de-France
Patric KRUISSEL
Chargé de mission Energie à FNE Ile-de-France
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CLIMAT
Le climat et le rapport du GIEC
grands absents des débats
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Le deuxième volet du rapport du GIEC, publié le 28 février, sur les impacts, vulnérabilités et adaptation à la crise climatique est passé presque inaperçu en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il indique clairement que nos efforts sont très insuffisants pour lutter contre le réchauffement climatique.
« Le rythme du réchauffement climatique que nous vivons est sans précédent depuis au moins 2 000 ans, et la décennie 2010-2019 est probablement la plus chaude depuis au moins 100 000 ans », selon Christophe Cassou (Dr Recherche CNRS).
Les effets du changement climatique sont manifestes dans la plupart des écosystèmes, des hydrosystèmes et des sociétés humaines. Nous voyons cela notamment à travers les événements extrêmes, comme les canicules, les sécheresses ou les tempêtes, indique Wolfgang Cramer (Dr Recherche CNRS, coauteur de ce rapport). Au premier rang des responsablitiés se trouve la construction de maisons individuelles, qui représentent en Ile-de-France un quart de l'habitat et 80 % des surfaces dédiées à cette occupation (Institut Paris Région 2020).En deuxième lieu, ce sont les réseaux routiers qui mangent le plus de terres agricoles. Enfin, les activités économiques - dont les entrepôts logistiques - occupent une place importante avec plus de 20 % de cette consommation. Le changement
Le changement climatique a déjà réduit la disponibilité de la nourriture et de l’eau en Afrique, Asie, Amérique centrale et du Sud et dans les petites îles. La santé est affectée augmentant la mortalité, faisant émerger de nouvelles maladies ou le développement du choléra. En ville, le stress thermique est accru, la qualité de l’air décroît et les chaînes d’approvisionnement sont touchées. Au total, entre 3,3 et 3,6 milliards d’habitants vivent dans des zones très vulnérables au changement climatique.
Les effets sont déjà irréversibles et visibles partout
Les dégâts environnementaux vont s’accélérer à la fois sous l’effet des activités humaines, mais aussi du réchauffement climatique. Les promesses de ne pas dépasser une augmentation de température moyenne de 1,5 °C à la fin du siècle ne tiendront pas devant le peu d’efforts entrepris pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. En Europe, deux à trois fois plus d’habitants seront touchés par le stress thermique si l’on atteint 3 °C. Or, les scenarii envisagés par le GIEC se vérifient progressivement et la tendance pencherait pour le scénario du pire. (Liaison Air, Climat, Santé, de novembre 2015).
Les efforts d’adaptation au réchauffement climatique restent insuffisants, notamment à cause des coûts qui augmentent en même temps que les températures. Pour changer les choses, nous avons besoin de davantage d’efforts financiers et technologiques, impliquant le soutien des pays du Nord, responsables de la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Le troisième volet du rapport GIEC
Publié en août 2022, il sera consacré aux solutions et à l’adaptabilité de nos territoires. Sans un effort important, dont le chiffrage a été précisé dès 2008 par Nicholas Stern (Banque mondiale), soit 5 % du PIB mondial par an tout de suite ou 30 % après 2050, toute la population terrestre sera affectée. En pleine campagne électorale, qui se préoccupe de ces sujets primordiaux ?
Ils disparaissent devant des sujets secondaires ou géopolitiques. La réaction aux catastrophes risque d’être trop tardive.
Le Bureau de FNE Ile-de-France
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