Le phénomène d’îlot de chaleur urbain (ICU) concerne les secteurs urbains où l’on remarque des températures anormalement plus hautes par rapport aux zones environnantes. Il fait ainsi en moyenne 2,5°C plus chaud à Paris qu’en banlieue plus rurale, mais cet écart peut atteindre jusqu’à 8,5°C selon les heures de la journée.
Ce phénomène agit comme une sorte de piège thermique entrainant l’apparition d’un microclimat urbain où les températures augmentent à mesure que l’on se rapproche d’une zone urbanisée.
Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce phénomène, et en conséquence d’envisager des solutions visant à limiter ses effets.
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Facteurs entrainant l’apparition des îlots de chaleur :
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- La surface urbaine et le degré de réflexion (albédo)
Selon les surfaces et les matériaux employés, la capacité à réfléchir les rayons du soleil diffère grandement. L’albédo, rapport compris entre 0 et 1, entre l'énergie lumineuse réfléchie et l'énergie lumineuse incidente) permet de savoir la capacité d’absorption des rayons solaires. Plus ce rapport se rapproche de 0 plus la surface a tendance à absorber la chaleur pour la réémettre ultérieurement, plus il se rapproche de 1, plus la réflexion est grande et la capacité d’absorption réduite.
On remarque ainsi que la majorité des surfaces que l’on retrouve dans les villes (goudron, bitume, ciment) ont un faible albédo et contribuent ainsi au phénomène d’ilots de chaleur.
A l’inverse, l'eau et la végétation contribuent à réduire ce phénomène par évaporation. Le passage de l’état liquide à l’état gazeux consomme de l’énergie, ce qui entraine un rafraîchissement de l'air ambiant. Les zones goudronnées et asphaltées empêchent l’eau de s’évaporer et la redirige trop rapidement vers les égouts, ce qui empêche la rétention d’eau par le sol.
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- Les activités humaines (chaleur anthropique)
Les activités humaines s’ajoutent à la chaleur déjà existante du milieu urbain. L’industrie, la climatisation (qui rejette de l’air chaud à l’extérieur), le domaine du bâtiment et des transports sont les principales causes d’émission de chaleur liées aux activités humaines.
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- La disposition urbaine
La taille des bâtiments ainsi que leurs dispositions et espacements sont à lier au phénomène d’îlots de chaleur urbains. Une étendue de bâtiments absorbe plus de chaleur qu’un bâtiment isolé et en restituera davantage, favorisant le phénomène. Un bâtiment de grande hauteur permet d’augmenter la zone d’ombre et diminuer le rayonnement du soleil.
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- La position géographique
Les vents permettent de favoriser la circulation d’air et de baisser la température. De même l’ensoleillement et la température influent naturellement sur ce phénomène.
Solutions pour lutter contre ce phénomène
Les causes décrites précédemment dépendent en grande partie de l’aménagement urbain et des activités humaines. Il est donc possible de jouer sur ces leviers pour réduire et trouver des solutions appropriées au phénomène d’ilots de chaleur urbains. Les solutions envisageables sont les suivantes :
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- Augmenter l’albédo.
Pour cela favoriser les surfaces claires et réfléchissantes absorbant moins les rayons solaires. Favoriser les matériaux ayant ces propriétés.
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- Développer les espaces verts
Il convient d’encourager la végétalisation des zones urbaines les plus touchées par le phénomène.
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- Utiliser l’eau pour rafraichir et thermoréguler la ville
A travers les fontaines, les lacs une gestion pertinente du réseau des eaux pluviales (perméabilisation des surfaces pour créer des bassins de rétention par exemple).
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- Adopter des gestes écocitoyens
Diminuer dans la mesure du possible la climatisation ou opter pour un système de climatisation passive (puits canadien)
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- Penser l’aménagement urbain en termes d’efficacité énergétique
Créer des zones urbaines favorisant une bonne circulation de l’air (par exemple éviter les axes routiers si une rue est trop étroite). Les solutions pour lutter contre ces phénomènes peuvent être plus ou moins adaptées selon les quartiers et activités ciblés.
Des quartiers rassemblant principalement des bureaux vont être essentiellement fréquentés le jour. Par conséquent il ne serait pas judicieux d’installer à ces endroits des surfaces trop réfléchissantes susceptibles d’éblouir la population. Il serait préférable de favoriser le ruissellement sur l’espace public ainsi que sur le revêtement fortement sollicité.
En revanche les quartiers résidentiels sont principalement fréquentés le soir et la nuit. Il est donc plus judicieux de jouer sur les solutions visant à refroidir la ville, en jouant sur la perméabilité des sols notamment.
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- Créer des outils réglementaires en complément du SRCAE ou PCEM
Cela doit permettre d’encourager et de contrôler les mesures entreprises pour lutter contre ce phénomène
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- Connaitre le phénomène de brise thermique
Ce vent nocturne, relativement faible mais chargé d’air frais, permet de refroidir significativement la température de l’air en assurant la circulation de l’air frais stagnant près du sol. Ainsi pour les constructions et aménagement urbains futurs, il sera important de connaitre du mieux possible (cela reste encore difficile actuellement) la répartition de cette brise thermique
En conclusion, le phénomène d’Ilots de chaleur urbains constitue un enjeu environnemental majeur du 21ème siècle et doit être considéré à ce titre d’une manière extrêmement sérieuse. Il appartient donc de réfléchir à des solutions pertinentes en termes d’aménagement urbain et d’efficacité énergétique pour limiter et réduire ses conséquences. Des premières réponses ont d’ores et déjà été apportées (surfaces et matériaux réfléchissants, végétalisation et rétention d’eau, formes et dispositions urbaines pertinentes, etc…) et devront être enrichies et complétées dans le futur. Enfin ce phénomène doit apparaitre comme un avertissement sur les limites de l’urbanisme actuel et appeler à des réflexions constructives sur la conception environnementale de la ville de demain.
Paul Vivier
Chargé de mission Climat-Air-Energie
FNE Ile-de-France