Trop souvent méconnu du grand public, cet organisme est chargé d’examiner en amont les projets, plans ou programmes afin de mieux prendre en compte les enjeux environnementaux.
L’Ae ou « formation d’autorité environnementale du conseil général de l’environnement et du développement durable » (CGEDD) a été créée en 2009. La mise en place de cette instance répond aux législations européennes et nationales. Elles prévoient que les évaluations des projets, plans ou programmes qui sont susceptibles d'avoir des impacts notables sur l'environnement et la santé humaine sont soumises à l'avis, rendu public, d'une « autorité compétente en matière d'environnement ». Ces prescriptions intègrent les objectifs de la convention d’Aarhus qui défend trois droits fondamentaux pour les citoyens et les associations : l’accès à l’information, la participation au processus décisionnel et l’accès à la justice.
Concrètement qu’est-ce que cela signifie ?
On parle « d’étude d’impact » lorsque l’évaluation concerne un projet d’envergure qu’il soit privé ou public : autorisation d'ouvrir une décharge, de réaliser des travaux de forages, de construire une autoroute, une voie ferrée …. Et « d’évaluation environnementale » lorsqu’il s’agit d’un plan ou programme : PLUI, SCOT, plan relatif à l'air, plan de gestion des déchets... Ces documents préparatoires sont élaborés par le maître d’ouvrage à savoir l’acteur qui porte le projet ou le plan. Ils doivent décrire les enjeux et les conséquences prévisibles sur l'environnement ainsi que les mesures à prévoir pour éviter, réduire et compenser les éventuelles conséquences négatives sur l’environnement. La fonction de l’Ae est celle d’un garant indépendant qui doit veiller à ce que le grand public dispose de tous les éléments permettant une bonne compréhension du contenu de ces études. Ses avis visent également à améliorer la qualité des projets avant la prise de décision.
Impartialité et objectivité
Jusqu’en 2016, cette autorité était exercée au niveau régional par les préfets de département ou de région, ce qui voulait dire que l’Etat pouvait tout à la fois proposer un projet en tant que maître d’ouvrage, en faire l’analyse critique en tant qu’autorité environnementale et le valider en tant que décisionnaire. L’économie pouvait alors peser plus lourd que la nature ou la santé. En 2015, la Commission européenne a rappelé à l’ordre la France et le Conseil d’Etat a en partie annulé ces dispositions suite à un recours de France Nature Environnementi.
En 2016, un nouveau décret visant à « décentraliser » la compétence de l’autorité environnementale a été publié. Cette fonction se retrouve maintenant confiée à des « missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) ».
L’Ae continue de rendre des avis sur les grands projets et sur les plans qui dépassent l’échelle de la Région, elle peut s’autosaisir ou être saisie par une MRAe. Les missions régionales sont consultées essentiellement sur les plans et programmes (documents d’urbanisme, assainissement) et les projets soumis à la commission nationale de débat public (CNDP). Pour Denez LHOSTIS, l’indépendance fonctionnelle des autorités environnementales garantit une meilleure impartialité mais il reste des marges de progression importantes notamment dans la prise en compte de ses avis par les porteurs de projets et les commissaires enquêteurs.
Bilan d’activité 2016
Un rapport annuel de l’activité des Ae et des MRAe vient d’être publié sur le site du ministère de l’environnement. Les constats sont sévères. « Des thèmes sont quasi systématiquement mal traités ou oubliés : les émissions de gaz à effet de serre et la qualité de l’air, le bruit, la transition énergétique, la destruction des sols naturels, agricoles et forestiers, la gestion de l’eau, les évaluations socio-économiques… » Toujours trop de fractionnement des projets et procédures dans l’espace et le temps, en particulier pour les projets concédés et les grands projets d’aménagement.
Aux insuffisances des études d’impact s’ajoute la faible appropriation des mesures éviter, réduire et compenser et notamment l’évitement. Sur les plans et programmes : l’évaluation environnementale s’avère perfectible (qualité des documents initiaux peu convaincante).
« Il existe un écart entre les ambitions affichées et les mesures de politique opérationnelle prévues ». Un constat partagé par les associations du mouvement FNE.
Photo de couverture du rapport en illustration
Encadrés
Les thématiques à approfondir
Pour son président, Philipe LEDENVIC, l’objectif de l’autorité environnementale n’est pas d’être un censeur mais de faire en sorte que, progressivement, l’ensemble des dossiers prennent mieux en compte les enjeux environnementaux. Dans sa synthèse annuelle 2016 (à lire impérativement) l’Ae et les MRAe pointent les principales carences des dossiers qui leur sont soumis. Mais pour chaque constat de « carence » elles proposent des perspectives d’amélioration. Pour la prise en compte de trame verte et bleue (TVB), elle souhaite par exemple mettre en place une grille d’analyse afin d’encourager les collectivités à améliorer leurs démarches. Sur la consommation excessive des espaces, elle propose d’examiner les bonnes pratiques de manière à produire des éléments d’appréciation commun. D’autres défis doivent être relevés : comment améliorer la sensibilisation des collectivités territoriales et des bureaux d’études au rôle et à l’importance des Ae et des MRAe ? Comment professionnaliser les directions régionales en charge d’instruire les dossiers ?
Les notes de l’Ae
L’Ae publie chaque année des synthèses dites « notes délibérées » qui constituent des pistes de réflexion et de progrès sur un domaine donné. Par exemple, une note concernant les aménagements fonciers et agricoles liés aux grands ouvrages publics, ou encore une note sur la prise en compte du bruit dans les projets d’infrastructures routières et ferroviaires. Rédigées principalement à l’attention des maîtres d’ouvrage, elles ont pour objectif d’apporter une meilleure compréhension des réglementations et une visibilité accrue sur la façon dont l’Ae souhaite analyser ces enjeux environnementaux. Elles sont disponibles sur le site internet de l’Ae. Pour Florence DENIER-PASQUIER de France Nature Environnement, « ces synthèses sont très utiles eu égard aux carences en termes d’informations auxquelles le mouvement FNE doit faire face ».
Catherine GIOBELLINA
Vice-présidente de FNE Ile-de-France
i CE, 26 juin 2015, pourvoi n°365876