AGRICULTURE ET ALIMENTATION
Protéger les terres agricoles
menacées par l'urbanisation
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En Ile-de-France, les terres agricoles sont, dans leur grande majorité, dédiées aux grandes cultures, 16 % des exploitations approvisionnent les Franciliens en circuits courts.
Ceinture verte pour la région, ces terres agricoles participent à la régulation du climat et ont un rôle déterminant à jouer pour la qualité de l’air et de l’eau.
Or, ces terres précieuses sont en fort déclin du fait de la pression foncière.
Les terres agricoles sont, en Ile-de-France, menacées par l’urbanisation. Si une prise de conscience progressive, aux niveaux européen, national et francilien, est à saluer depuis la fin des années 1990, elle peine à se traduire par la protection effective de ces terres. Entre 1993 et 2013, c’est 1 900 ha de terres agricoles qui ont disparu chaque année sous le béton (SDRIF 2013) ; ce chiffre est descendu à
1 000 ha annuel entre 2013-2017, dont 54 % sur des terres cultivées – mais, c’est toujours 540 ha de trop chaque année à être enlevés à l’agriculture dans une région trop peu autonome pour son alimentation et qui souffre du réchauffement, mais aussi d’inondations répétées. 35 % de ces 1 000 ha étaient par ailleurs classés comme « réserve utile importante » (IPR 2020).
La pression sur les terres agricoles en Ile-de-France se poursuit
Au premier rang des responsabilités se trouve la construction de maisons individuelles, qui représentent en Ile-de-France un quart de l’habitat, et 80 % des surfaces dédiées à cette occupation (IPR 2020). En deuxième lieu, ce sont les réseaux routiers qui mangent le plus de terres agricoles. Enfin, les activités économiques – dont les entrepôts logistiques – occupent une place importante avec plus de 20 % de cette consommation. Il est notable, que malgré un phénomène de vacances commerciales de plus en plus prononcé, les constructions de surfaces commerciales se poursuivent à un rythme soutenu. L’urbanisation de ces terres agricoles, censée être maîtrisée, voire découragée, depuis les années 2010, sont rendues possibles notamment par les « pastilles jaunes » du SDRIF, qui permettent une urbanisation sous conditions.
La résistance des associations locales
De nombreuses luttes se sont constituées pour tenter de freiner ce phénomène – pour la plupart en grande couronne, qui concentre l’essentiel des terres agricoles.
Gonesse (95). La plus emblématique des luttes pour la préservation des terres agricoles en Ile-de-France est sans nul doute celle pour la sauvegarde du triangle de Gonesse. Redoutant une urbanisation proche, Val-d’Oise Environnement s’est mobilisé dès le début des années 2010 ; avec l’annonce du projet Europacity, porté par Auchan et le groupe chinois Wanda, le Collectif pour le triangle de Gonesse s’est constitué. Au terme de huit années de lutte, mobilisant des centaines de personnes et bénéficiant progressivement d’une couverture médiatique nationale, le projet Europacity a été abandonné. Pourtant, les terres de Gonesse ne semblent pas tirées d’affaire : si Europacity est enterré définitivement, la gare qui devait le desservir n’a pas été remise en question, ni l’urbanisation de 110 ha de la ZAC.
Les associations dénoncent ainsi l’entêtement des pouvoirs publics à chercher désespérément des projets pouvant justifier la construction d’une gare en plein champ, maintenue uniquement pour ne pas fragiliser le schéma d’ensemble du Grand Paris et ne pas ouvrir la voie à de nouvelles contestations.
ZAC Val Bréon 2 (77). Construite en 2005, la ZAC du Val Bréon I a vu le jour au terme d’une négociation après une lutte entre l’Association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature (ASMSN), la communauté de communes du Val Bréon (CCVB), la commune de Châtres et l’aménageur ; l’ASMSN faisait valoir, déjà, la présence de boisements sur le site pour demander l’annulation de la ZAC. En 2008, avec l’élection à la présidence de la communauté de communes du Val Bréon de Jean-Jacques Barbaux, un projet de seconde ZAC sur 150 ha, soit 100 terrains de foot, dont une partie en zone humide – Val Bréon 2 – apparaît. L’élu intercède dans la révision du SDRIF de 2013 pour rendre « constructible sous conditions » cet espace alors inconstructible. La « pastille jaune » posée, celle-ci inscrit la présence d’une gare RER comme condition à l’urbanisation. Dès lors, un projet de gare RER voit le jour pour justifier l’urbanisation de la zone, qui elle-même justifie… la gare RER. En 2016, la SNCF a acté que le scénario d’une gare RER à cet emplacement n’était pas envisagé. Pourtant, la CCVB a acquis en 2018 les terres nécessaires à la réalisation de son projet.
Les associations Nature Environnement 77 (devenue FNE 77), Nature Environnement Morcerf, puis le collectif Val Béton se mobilisent depuis lors pour empêcher la poursuite de l’urbanisation de ces terres agricoles. Le secteur du Val Bréon demeure un espace de nature et agricole entre les villes nouvelles de Marne-la-Vallée et Melun-Sénart qu’il est plus que jamais crucial de préserver.
Saclay (78-91). La lutte pour la préservation du plateau de Saclay trouve sa source dans la loi du Grand Paris du 3 juin 2010 prévoyant le déploiement de pôles de développement (« cluster ») sur le plateau, déjà amputé d’un millier d’hectares, urbanisés depuis le milieu des années 1990.
Cette loi prescrit la préservation d’au moins 2 300 ha de terres agricoles, ce qui s’est traduit par la création d’une « zone de protection naturelle, agricole et forestière » (ZPNAF) d’une surface totale de 4 115 ha. Pour créer le pôle Paris-Saclay sur la frange sud du plateau, 400 ha sont en cours de bétonisation, mais ce qui inquiète surtout c'est le projet de la ligne 18 du Grand Paris Express, en particulier son tronçon Saclay-Versailles, qui constituerait un puissant vecteur d’urbanisation auquel la ZPNAF ne saurait résister.
Saint-Pierre-du-Perray (91). A l’image des autres départements de grande couronne, et notamment de la Seine-et-Marne qui voit pousser les entrepôts logistiques et zones d’activités commerciales, l’Essonne est particulièrement touchée par l’artificialisation des terres agricoles. Outre le plateau de Saclay, ce sont 36 ha agricoles qui sont menacés par une zone d’aménagement concertée (ZAC) à Saint-Pierre-du-Perray. Au lendemain des dernières élections municipales et sous la pression des associations environnementales, la donne pourrait avoir changé pour le projet de ZAC, remis en cause par la nouvelle équipe municipale.
Ces projets représentent ainsi près de 700 ha de terres agricoles menacés, et s’ajoutent à tous ceux, moins spectaculaires, qui grignotent chaque jour l’autonomie alimentaire et la qualité de vie des Franciliens et Franciliennes.
Margot HOLVOET
Coordinatrice régionale de FNE Ile-de-France