SUSPENSE SUR LE SORT DE LA GARE « TRIANGLE DE GONESSE" QUI MENACE L'UN DES DERNIERS GRENIERS À CÉRÉALES DE L'ÎLE-DE-FRANCE
Communiqué de presse - 9 mars 2022
Hier 8 mars 2022, le Tribunal administratif de Cergy s’est enfin penché sur le recours contre le permis de construire de la gare dite « Triangle de Gonesse ». Cette « gare en plein champs » orpheline du projet abandonné Europa City, n’a fait l’objet d’aucune évaluation environnementale, ce qui pourrait être sanctionné par le juge administratif.
Le recours a été déposé par le Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) en novembre 2018, il y a plus de trois ans donc. Depuis, les travaux préparatoires de la gare ont démarré, alors même que le méga-centre commercial et de loisirs Europa City, à l’origine du projet de desserte, a été abandonné le 7 novembre 2019. C’est donc une infrastructure en plein champ que le gouvernement s’obstine à vouloir construire, et ce en dépit d’un impact environnemental et social considéré comme dévastateur.
Le moment de cette audience n’est peut-être pas si mal choisi : alors que la guerre en Ukraine fait grimper les prix des céréales sur les marchés mondiaux et menace l’approvisionnement de populations entières, les terres fertiles de Gonesse apparaissent désormais comme un maillon stratégique de la souveraineté alimentaire de l’Île-de-France et de ses 12 millions d’habitants.
Platement, le rapporteur public a pourtant recommandé le rejet du recours, arguant qu’aucun argument juridique ne s’opposait à la construction d’une gare en plein champ. "Les terres agricoles n’ont rien de remarquable", a-t-il affirmé, contrastant la langue juridique avec les défis environnementaux et sociaux actuels.
Cultivées depuis plus de deux millénaires, les terres fertiles de la plaine de France ont notamment fourni la farine du pain de Gonesse, célèbre sur les marchés parisiens jusqu’au siècle dernier. La gare, annoncée au milieu d’un triangle agricole de presque 700 hectares d’un seul tenant, fait donc planer la menace de la destruction de plusieurs centaines d’hectares d’excellentes terres aux portes de la capitale.
Pour maître Sébastien Le Briéro, avocat du Collectif pour le Triangle de Gonesse, ce dossier est une illustration des dégâts environnementaux causés par la transposition à reculons par l’Etat français du droit européen de l’environnement. Alors que la directive 92/UE exige que tout projet susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine soit soumis à une évaluation environnementale, la France persiste depuis près de dix ans à mettre en place des cadres réglementaires restrictifs et nébuleux, qui aboutissent à une transposition incomplète du contenu de la directive. Pour cette raison, le Conseil d’Etat annule régulièrement les décrets organisant les critères de soumission à évaluation environnementale, comme en témoigne sa décision donnant raison à France Nature Environnement du 15 avril 2021.
Car non seulement l’Etat n’a pas transposé la directive dans les temps impartis, c’est-à-dire avant 2017 (donc avant le recours contre la gare), mais en plus l’Etat n’a toujours pas répondu à l’injonction du Conseil d’Etat de mettre sa nomenclature à jour. De fait, l’Etat est aujourd’hui hors-la-loi.
C’est dans ce contexte, qui ne manque pas de cynisme, que le permis de construire de la gare « Triangle de Gonesse » a pu être considéré par le préfet comme n’ayant aucune incidence notable sur l’environnement. Or qui peut nier que ce projet a un impact significatif quand il est non seulement la condition légale selon le Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) permettant l'urbanisation de ces terres, mais qu’en plus il aurait pour effet d’extraire des sous-sols des tonnes de déblais dont on ne sait que faire ?
Selon maître Le Briéro, le Tribunal administratif a le devoir d’appliquer l’arrêt du Conseil d’Etat et donc d’annuler, ou au moins de suspendre, les travaux afin de laisser le temps à la Société du Grand Paris de demander l’avis de l’Autorité environnementale sur ce projet d'infrastructure.
Quant aux habitants de l’Île-de-France, il ne leur reste plus qu’à espérer que le Tribunal administratif suive à la fois le Conseil d’Etat et le droit européen, afin d’empêcher qu'un projet de gare, financé sur fonds publics, ne menace leur souveraineté alimentaire.
Rendez-vous fin mars pour le délibéré.
Contacts presse
Bernard Loup, 06 76 90 11 62
Maxime Colin, juriste de FNE Ile-de-France : maxime.colin@fne-idf.fr / 01 45 82 42 34