AVALANCHE D'ARRETES "ANTI-PESTICIDES" EN ILE-DE-FRANCE
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L’actualité a été marquée cet été par le débat lancé autour des limites de l’épandage de pesticides à proximité des habitations par le maire de la commune de Langouët, dont l’arrêté dit « anti-pesticides » a été suspendu par le Tribunal administratif de Rennes le 27 août dernier.
Après les débats houleux sur l’interdiction de la commercialisation du glyphosate, sur les arrêtés de protection des points d’eau, dont la mise en place a été jugée défaillante sur une grande partie du territoire par un rapport du CGEDD publié cet été, c’est cette fois-ci la protection des populations vis-à-vis de l’épandage de pesticides en plein champ qui est au centre des préoccupations.
L‘arrêté en question, qui réglementait l'utilisation des pesticides dans un rayon de 150 mètres autour des habitations et des locaux professionnels, a été déféré par le préfet au juge administratif, qui a suspendu l’arrêté (en référé) au motif qu’il s’agissait vraisemblablement d’une immixtion du maire dans la police spéciale de la réglementation de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques qui appartient à l’Etat.
Le débat sur la légalité de l’arrêté anti-pesticides n’est pas clos, puisque l’affaire doit encore être jugée au fond et que de très nombreux arrêtés similaire ont été adoptés depuis. Or les circonstances locales, nécessairement variables, pourront potentiellement justifier la compétence d’un maire pour réglementer l’utilisation des pesticides sur le fondement de ses pouvoirs de police générale.
Les maires d’Ile-de-France qui prennent ce type d’arrêtés doivent donc prendre un soin particulier à détailler ces circonstances locales démontrant une vulnérabilité accrue aux pesticides : la présence de lieux fréquentés par des personnes vulnérables (aires de jeu destinées aux enfants en bas âge, établissements de santé, maisons de retraite et espaces de loisirs ouverts au public), de points de captages, de points d’eau protégées par une zone non traitée (qui font l’objets d’arrêtés spécifiques), d’espèces animales ou végétales protégées, de cas de maladies (cancers etc.) potentiellement liées au pesticides, le fait que la commune soit généralement soumise à des vents importants etc. En effet, le simple fait qu’il existe une police spéciale appartenant à l’Etat sur ce sujet ne constitue pas un obstacle absolu à la coexistence de mesures de police générale, comme en témoigne la jurisprudence administrative sur de nombreuses autres activités.
Par ailleurs, cet arrêté a le mérite d’avoir relancé un débat dont les conséquences politiques peuvent être importantes. La première de ces conséquences est que les maires soucieux de protéger les populations et l’environnement contre les effets des pesticides tendent à se regrouper au sein d’un collectif ad hoc animé par le maire de Langouët et celle de Le Perray-en-Yvelines. La seconde est l’ouverture par le gouvernement d’une consultation publique sur un projet de décret et un projet d’arrêté relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation dont vous trouverez la page ici.
Il doit être rappelé à cet égard que les arrêtés soumis à consultation doivent venir combler le vide juridique laissé par l’annulation de l’arrêté ministériel qui réglemente les épandages par une décision du Conseil d’Etat du 26 juin 2019.
Le contexte est donc propice à une évolution de la réglementation sur ce sujet, qui doit aller dans le sens d’une plus grande protection de la santé et de de la nature.
Maxime Colin
Chargé de mission juridique