AVIS ET PROPOSITION
Amendements pour l'assemblée à la loi Grand Paris
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Document d’accompagnement pour l’audition d’IDFE par le rapporteur du projet de loi Grand Paris à l’Assemblée Nationale
Ile-de-France Environnement (ci après désigné IDFE), est l’union régionale des associations franciliennes d’environnement au total quelque 350 associations adhérentes directes ou à travers 16 collectifs territoriaux ou thématiques.
Avant de présenter ses propositions d’amendement au projet de loi Grand Paris qui va être examiné par l’Assemblée Nationale, IDFE tient à mettre l’accent sur quelques réserves qu’elle a déjà formulées dans ses avis du 26 juin 2009 sur le projet Grand Paris présenté le 29 avril 2009 par le Président de la République, et du 24 septembre 2009 sur le projet de loi Grand Paris dans sa version du 27 août 2009.
1- L’option à la base du projet Grand Paris est de faire de Paris une des quelques villes-monde par le renforcement de son potentiel économique et l’accroissement de sa population active, avec le postulat que ce qui est bon pour Paris sera bon aussi pour la France et profitera automatiquement aux autres régions françaises. IDFE, constatant le déficit migratoire croissant de l’Ile-de-France avec les autres régions métropolitaines, déficit lié essentiellement à des problèmes de qualité de vie, regrette que l’Etat ait renoncé à toute politique d’aménagement du territoire national, et que le projet Grand Paris ne prenne pas en compte les relations de l’Ile-de-France avec les autres régions du Bassin Parisien.
2- Le Président de la République avait lancé une consultation internationale auprès de 10 architectes de réputation internationale. Leurs apports ont fait l’objet d’une exposition officielle à la Cité de l’architecture. Il apparait que le projet de loi Grand Paris est basé sur un travail réalisé sous l’autorité du Secrétaire d’Etat à la région capitale avec, et on peut le regretter, très peu de contacts à la fois avec les collectivités territoriales et avec les équipes d’architectes.
3- Le projet Grand Paris met fortement l’accent sur la notion de « cluster » constitué pour favoriser le développement de la recherche et de l’innovation dans un domaine précis de l’activité économique. IDFE, faisant remarquer que la Silicon Valley des Etats-Unis s’étend sur plus de 100 km, si elle est d’accord avec la politique de favoriser l’implantation de petites entreprises innovantes à proximité des grands centres de recherche avec qui elles auront à travailler, est nettement moins persuadée de l’utilité de concentrer sur un territoire restreint les universités et centres de recherche de domaines scientifiques différents, comme l’Etat veut le faire sur le plateau de Saclay.
4- IDFE. en accord avec la loi de programmation dite Grenelle 1, est attachée au maintien d’une agriculture de proximité urbaine dans l’Ile-de-France. Elle est donc particulièrement attentive à ce que soient préservés les 2300 ha de terres agricoles recensés par le SDRIF sur le plateau de Saclay.
5- Même si elle considère qu’une certaine simplification des structures administratives est souhaitable, IDFE est attachée à la politique de décentralisation, à ses créations (pouvoir régional, structures intercommunales), et à ses procédures intégrant la consultation de la population Le projet de loi marque, et IDFE le regrette, un net coup d’arrêt à cette décentralisation. Il concrétise une reprise en main par l’Etat de la conduite des grands projets, en tout cas pour la région capitale qui avait été dotée, à la différence des autres régions métropolitaines, d’un outil de pilotage de qualité comme le SDRIF.
6- IDFE considère que le projet de loi, en le justifiant par des raisons d’urgence, recourt de façon abusive à des procédures dérogatoires (alors qu’existent des procédures de droit commun qui ont fait la preuve de leur efficacité) et simplifie au maximum les phases de concertation. L’expérience a montré qu’une telle approche engendre souvent des situations de blocage, liées à des actions contentieuses, génératrices de retards importants allant à l’encontre du but visé.
IDFE propose ci-après huit amendements de nature à améliorer de façon significative l’acceptabilité du projet de loi Grand Paris :
A- Propositions d’amendements concernant les titres I à IV du projet de loi
1- Concertation préalable à l’établissement du schéma d’ensemble des infrastructures qui composent le réseau de transport public du Grand Paris
Le 30 juin dernier, dans son discours prononcé sur le site de la Défense, le président de la République a affirmé: « J’avais dit il y a deux mois que le projet de transports serait finalisé maintenant , il est aujourd’hui prêt pour servir de base à la préparation du débat public. Il intègre le plan de mobilisation préparé par la Région et le STIF »
Mais depuis ce schéma n’ayant fait l’objet d’aucune publication alors que le projet de loi est mis en examen parlementaire, il nous parait nécessaire que l’article 2 du projet de loi soit modifié pour prévoir, avant que le projet soit soumis à une consultation du public, une consultation des collectivités territoriales des niveaux supérieurs, c’est-à-dire le Conseil régional et les conseils généraux. Ceci serait d’autant plus logique
- que le tracé du métro rapide prendra forcément en compte les lignes prolongées du métro parisien et les gares du réseau RER existant sur son trajet,
- que ces collectivités, d’après l’article 8 du projet de loi, seront représentées à coté de l’Etat dans le conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, et que, compte tenu des engagements pris dans le cadre du plan de mobilisation, elles contribueront à coup sur au financement du réseau de transport public du Grand Paris.
IDFE propose donc que l’article 2 soit modifié comme suit :
A l’alinéa 2 : Un schéma d’ensemble des infrastructures qui composent le réseau de transport public du Grand Paris est établi par les services de l’Etat et envoyé pour observations à formuler dans un délai de deux mois, aux présidents du Conseil régional et des conseils généraux des départements d’Ile-de-France.
A l’alinéa 3 : Après modification le cas échéant pour tenir compte des observations reçues, le schéma d’ensemble est soumis à une consultation du public et à l’avis des autres collectivités territoriales concernées dans les conditions prévues à l’article 3.
2- Relation entre le projet Grand Paris et le SDRIF approuvé par le Conseil régional le 25/09/2008
Le problème d’une mise en conformité du SDRIF avec le projet du Grand Paris est abordé :
- dans l’article 4 qui indique que les projets d’infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris sont déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’Etat, et que cette DUP emporte approbation des nouvelles dispositions des documents d’urbanisme,
- dans l’article 18 sur les projets d’aménagement définis dans le cadre d’un contrat de développement territorial passé entre l’Etat et les communes et établissements publics de coopération intercommunale, il est indiqué que, si ces opérations d’aménagement ou ces projets d’infrastructures ne sont pas compatibles avec le SDRIF, les SCoT et PLU, l’autorité administrative engage les procédures de mise en compatibilité prévues par le Code de l’urbanisme.
IDFE considère que, si ces dispositions sont acceptables pour les SCoT et PLU, elles ne sont pas adaptées au SDRIF qui est un document de niveau supérieur qui s’impose d’ailleurs à ces derniers, et qui traite par ailleurs de domaines dépassant le cadre du projet Grand Paris.
Le SDRIF ne peut être mis à jour par des modifications ponctuelles successives définies au fil des ans. IDFE propose qu’après le second alinéa du point V de l’article 3 soit rajouté un alinéa 3:
« L’acte mentionné à l’article précédent est transmis au Président du Conseil régional d’Ile-de-France par le représentant de L’Etat dans la région en vue de sa prise en compte par le schéma directeur régional avant approbation de ce dernier ».
3- Organisation du débat public
L‘article 3 du projet de loi définit que la consultation du débat public est conduite par le Préfet de région qui y associe la Société du Grand Paris.
Pour un projet de cette importance, la solution de droit commun serait de confier l’organisation de la consultation à la Commission nationale du débat public qui, créée dans l’esprit de la Convention d’Aarhus et conformément à la directive européenne du 26 mai 2003, a largement fait la preuve de son efficacité en donnant aux citoyens des garanties en matière d’information, de transparence et de neutralité et en gardant une rigoureuse indépendance par rapport aux maîtres d’ouvrage.
IDFE considère que l’argument, avancé dans l’étude d’impact, de gagner quelque mois sur la durée de la procédure ne fait pas le poids en face de la solidité et de la crédibilité que donnerait au projet un débat public organisé sous l’autorité de la Commission nationale du débat public.
IDFE demande donc que l’article 3 soit revu pour confier à la CNDP l’organisation du débat public et pas simplement un rôle d’observateur.
4- Conditions de financement du réseau de transport public du Grand Paris
Compte tenu de la densification prévue autour des gares du réseau de transport public du Grand Paris, les terrains et les immeubles situés dans ces secteurs, en dépit des dispositions définies aux articles 5 et 6, vont à coup sur bénéficier d’une importante plus-value qui doit contribuer au financement des infrastructures de transport qui en sont à l’origine.
Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, récemment voté par le Sénat, prévoit que : « les autorités organisatrices de transports urbains peuvent, sur délibération, instituer une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant de la réalisation d’infrastructures de transports collectifs en site propre devant faire l’objet d’utilité publique ».
Compte tenu de son importance et de l’intérêt national que lui attribue l’Etat, le projet de réseau de transport du Grand Paris justifie que cette disposition soit incluse dans les moyens de son financement.
IDFE propose qu’à l’article 9 du projet de loi, la liste des ressources de l’établissement public « Société du Grand Paris » soit ajouté :
« un prélèvement sur la valorisation foncière et immobilière dans les périmètres situés autour des gares du réseau dans un rayon défini par la Société du Grand Paris ».
5- Priorités à respecter pour l’affectation de financements à la réalisation des infrastructures
La réalisation du réseau de métro rapide ne peut commencer tant que n’auront pas été menées à bien les études détaillées des différents tronçons qui le constituent.
IDFE demande que le projet de loi précise que, comme le préconise à juste titre le syndicat Paris Métropole dans sa délibération du 24 septembre dernier,
- dans la première phase d’études du réseau de métro rapide, les financements soient affectés en priorité à la réalisation rapide des projets déjà engagés en accord entre l’Etat et la Région, en particulier au titre du CPER (prolongement des lignes du métro parisien, amélioration de la ligne 13 et des RER, Eole notamment) et au plan de mobilisation des transports défini par la Région.
- que le choix des premiers tronçons de métro rapide à réaliser privilégie les territoires franciliens actuellement délaissés, au nord-ouest et à l’est de la région.
B- Propositions d’amendement concernant le titre V du projet de loi
6- Création de l’établissement public Paris-Saclay
IDFE considère que la prise en main par l’Etat de la gestion du développement du pôle de recherche et d’enseignement supérieur, et la création d’un établissement public à cet effet sont justifiées, mais qu’en revanche l’aménagement global de ce territoire est du ressort des collectivités territoriales. La procédure de SCoT, dont la généralisation sur l’ensemble du territoire national est d’ailleurs préconisée par la loi Grenelle II, est pour cela parfaitement adaptée pour assurer un aménagement équilibré prenant en compte les besoins tant du campus que des populations (cf. chapitre 8- Aménagement du territoire de l’OIN ci-après).
En conséquence IDFE propose les amendements suivants :
- article 21 :
1er alinéa : suppression de « et de réaliser des opérations d’aménagement du pôle scientifique et technologique »,
1° ajouter après « les acquisitions foncières nécessaires » «dans le périmètre du campus »,
et suppression du dernier alinéa (« Il peut en dehors de son périmètre d’intervention … »)
- article 22 : ajout d’un 5ème collège
« 5° Le collège des personnalités désignées sur proposition des associations agréées dans le domaine de l’environnement exerçant dans le périmètre de l’établissement public ».
7- Zone de protection naturelle agricole et forestière du plateau de Saclay
Le plateau de Saclay a pu garder au fil du temps une agriculture performante et viable grâce aux schémas d’aménagements successifs depuis 50 ans, y compris le schéma directeur de 1994 actuellement en vigueur.
Mais la pérennité de l’agriculture sur le plateau de Saclay est due aussi à la politique régionale des PRIF (Périmètre d’intervention foncière), basée sur une convention entre la SAFER et l’Agence des espaces verts, qui permet d’assurer le maintien de l’activité agricole sur les terres réservées à cet effet dans les documents d’urbanisme. Cette politique, qui a fait ses preuves depuis près de 15 ans dans l’ensemble de la Région, a été renouvelée par le Conseil régional en septembre 2008. Elle s’avère indispensable au maintien d’une agriculture périurbaine sur l’ensemble de l’Ile-de-France.
En conséquence, IDFE propose l’amendement suivant :
- article 28 section III :
ajouter à l’Article L. 141-5, dans le premier alinéa, l’avis de la région
« Cette zone, non urbanisable, est délimitée par décret en Conseil d’Etat, pris après avis du Conseil régional, des conseils généraux de l’Essonne et des Yvelines… ».
8- Aménagement du territoire de l’OIN
Concernant la mise en œuvre du projet de pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, le projet de loi ne précise, dans son article 19, que les dispositions spécifiques aux transports, et se repose sur l’établissement public pour régler l’ensemble des questions d’aménagement de ce territoire. IDFE, comme nous l’avons proposé au chapitre 6 (voir ci-dessus) préconise de laisser aux collectivités locales le soin de prendre en charge cette mission par la mise en œuvre d’un SCoT, qui couvre tous les domaines d’aménagement de l’espace : urbanisme, habitat, développement économique, transports, déplacements, protection des espaces naturels, préservation des continuités écologiques…
Certes le problème des déplacements sur le plateau de Saclay est très important. Sa solution ne repose pas sur la mise en place d’une structure lourde Est-Ouest, comme le projet du grand Paris semble le dire. A ce sujet, IDFE a participé, par le biais de son collectif local COLOS, au concours d’idées international et a proposé un certain nombre de solutions dont certaines ont été reprises dans les études des collectivités territoriales. En résumé : le plateau de Saclay, qui fait dans sa plus grande largeur 5 km, est bordé actuellement au Nord et au Sud, par 2 infrastructures lourdes le RERC et le RERB, orientées Est-Ouest, dans les vallées de l’Yvette et de la Bièvre. Aucun point du plateau n’est situé à plus de 3 km d’une gare. La priorité, à court et moyen terme, est donc d’améliorer le fonctionnement des RER et de créer des navettes assurant le rabattement vers les gares de ces 2 infrastructures depuis les zones d’activité et d’habitation.
Un autre sujet très important pour le plateau de Saclay est l’hydraulique. Le plateau et ses vallées sont d’ailleurs placés au SDRIF de 1994, dans une zone très sensible aux ruissellements (les inondations d’avril 2007 l’ont une nouvelle fois montré).
En conséquence, IDFE propose que la loi impose la mise en œuvre d’un SCoT,
et donc de remplacer le contenu de l’article 29 par :
« Il est constitué, entre les collectivités locales concernées, un syndicat mixte chargé d’établir un SCoT sur le territoire des communes dont la liste figure en annexe, suivant les modalités du Code des collectivités territoriales ».