PLAN DE PROTECTION DE L’ATMOSPHÈRE D’ILE DE FRANCE 2017
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Les documents fournis aux Franciliens pour l’enquête publique sur le site internet enquetepublique-ppa-idf.fr au nombre de 17 forment un ensemble de 548 pages sans compter les arrêtés préfectoraux concernant les modalités de l’enquête et les 140 pages du rapport d’AIRPARIF de septembre 2017 détaillant les procédures de détermination des émissions et concentrations de polluants de l’air. Un résumé non technique est inclus dans cette abondante documentation. Nous avions déjà constaté cette inflation documentaire pour le Plan de
protection de l’atmosphère (PPA) en 2013 avec seulement 218 pages figurant sur le site internet du ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’Energie. Vu le volume de documents, comment un citoyen francilien peut-il dans ces conditions former son jugement et le donner lors de l’enquête publique sans avoir en outre un minimum de connaissance du sujet ? Les informations concernant l’ouverture de cette enquête publique figurent uniquement sur le site du ministère de l’environnement et celui de la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie. Les services de l’Etat et ceux des collectivités territoriales n’ont pas fait de publicité dans les grands médias et au niveau de l’information municipale. Comment peut-on souhaiter vouloir améliorer l’air des franciliens sans les en informer ?
Notre avis sur le PPA 2013 avait été relativement favorable mais comportait des réserves très sérieuses quant aux objectifs qui ne permettaient pas d’atteindre les normes européennes de la directive 2008/50/CE. Nos réserves concernaient quatre secteurs économiques : le trafic routier, le secteur résidentiel et tertiaire, le transport aérien et l’agriculture.
Les deux lettres d’injonction de la commission européenne soulignant que 12 zones françaises étaient trop polluées et que la directive 2008 n’était pas respectée ont conduit l’Etat à devancer l’échéance de son plan 2013 dont la durée devait être de 5 ans.
La qualité de l’air jouant un rôle très important pour la santé et le bien-être des Franciliens (voir les enquêtes de l’OMS, la récente étude européenne APHEKOM et le rapport de l’ANSES d’avril 2017 www.anses.fr): il est important de prendre des mesures efficaces afin de réduire les effets nocifs des différents polluants de l’air issus des différents secteurs d’activités économiques. L’ANSES rappelle que, sur la France entière, la pollution particulaire entraîne 45 120 décès prématurés, les oxydes d’azote 8 230 et l’ozone soit au total 55 130 décès :
ramené à la population francilienne, cette pollution occasionne environ 11 000 décès anticipés. Les chiffres cités par le PPA issus de Santé Publique France minimisent de moitié les chiffres cités par l’ANSES. Or, le rapport ANSES s’appuie sur un dossier bibliographique très conséquent prenant en compte toutes les études du domaine ce qui lui permet d’être plus exhaustif que Santé Publique France. Si les concentrations de ces divers polluants étaient ramenées aux valeurs cibles européennes ou mieux à celles de l’OMS, le gain d’espérance de vie serait considérable. Avec 25 défis qui se déclinent en 46 actions, le nouveau PPA prévoit que la qualité de l’air en Ile de France sera conforme aux valeurs limites européennes seulement en 2025 mais pas en deçà alors que le code de l’Environnement (L222-5 et R222-32) demande : respect obligatoire des valeurs limites et objectif de respect des valeurs cibles.
FNE Ile-de-France souligne avec intérêt l’originalité de ce PPA 2017 qui pour la première fois, a réuni 8 ateliers avec les différents secteurs économiques pour définir les grandes orientations du plan. Nous avons participé à plusieurs ateliers notamment : Transport aérien, et résidentiel-tertiaire, et présidé à la demande du préfet Carenco, l’atelier « Actions citoyennes » (6 réunions en 2016). De ce fait, la fédération régionale a suivi le processus d’élaboration du PPA de bout en bout et a participé aux quatre Comités de Pilotage organisés par les services préfectoraux et présidés par les préfets de Région et de Police. Toutefois, si l’on peut féliciter l’autorité administrative de cette pratique de la concertation en amont, on ne peut être d’accord avec le fait que les actions de protection soient définies principalement par les différents secteurs économiques.
Troisième PPA depuis 2005, plan de circonstances pour répondre aux injonctions de la Communauté européenne, FNE Ile-de-France s’interroge sur la boulimie de plans et surtout sur leur efficacité. Nous constatons tout comme en 2013 que le bilan du précédent PPA ne fait pas l’objet d’une évaluation précise et que nous sommes en présence d’affirmation péremptoire telles que : 100 % des épandages aériens d’engrais ou de pesticides se font lorsque le vent est en-dessous de 3 Beaufort (petite brise vent de 12 à 19 km/h) ou la
diminution des émissions lors des pics de pollution dont le suivi aurait atteint 100 %.
L’avis de l’Autorité Environnementale (AE) sur le futur PPA (26 juillet 2017) rappelle la Loi sur l’Air et l’utilisation rationnelle de l’énergie de décembre 1996 qui a reconnu à tous les français « Le droit de respirer un air qui ne nuise pas à la santé de chacun ». Dans sa conclusion, l’AE indique que le PPA aurait dû évaluer l’effort
à mettre en œuvre pour obtenir une décision non plus fondée sur des valeurs limites issues des directives européennes mais sur des valeurs plus favorables à la santé des Franciliens pour suivre le code de l’environnement et ses articles précisés ci-dessous. Dans cet esprit, nous rappelons que le Code de l’Environnement par ses articles concernant la planification et la réglementation L222-5 et R-222-32 demande à l’autorité compétente (Préfets de Paris et de Police) d’arrêter les mesures applicables à l’intérieur du périmètre délimité par le PPA qui sont de nature à permettre d’atteindre les objectifs fixés par celui-ci, notamment de ramener à l’intérieur de ce périmètre la concentration en polluants dans l’atmosphère à un niveau inférieur aux valeurs limites ou, lorsque des mesures proportionnées au regard du rapport entre leur coût et leur efficacité dans un délai donné, le permettent, aux valeurs cibles définies à l’article R.221-1.
La complexité du PPA et ses imbrications avec de nombreux autres plans et schémas : SDRIF, SRCAE, PCAET, PNSE 3, CPER 2015-2020, PDU, PDE... rend inextricable sa compréhension pour le citoyen francilien et surtout nuit gravement à son efficacité. FNE Ile-de-France dénonce depuis longtemps la multiplication de ces plans et
schémas qui s’empilent les uns sur les autres nuisant gravement à leur efficacité puisque c’est toujours l’autre plan qui doit solutionner le problème. L’Etat a en cette matière un grave problème de gouvernance et un besoin très net de simplifier et clarifier, la démocratie en sera améliorée.
Ayant examiné attentivement les 25 défis et les 46 actions proposées dans ce nouveau PPA, FNE Ile-de-France émet un avis globalement défavorable concernant le PPA 2017.
Nous donnons ci-dessous les raisons principales de cet avis négatif.
Le PPA 2017 prend le problème à l’envers en définissant d’abord des mesures proposées par les différents secteurs économiques représentés dans les 8 ateliers du PPA et imagine que, grâce à ces 46 actions, la qualité de l’air en Ile-de-France atteindra les valeurs limites en 2020. Alors qu’une démarche efficace aurait été de se donner les moyens appropriés pour descendre en-dessous des valeurs limites voire d’atteindre les valeurs cibles. La loi LAURE date de décembre 1996, la directive cadre européenne sur l’air de 2008, le premier PPA de
2005 : les objectifs du PPA 2017 auraient dû être plus ambitieux après 20 ans d’efforts pour suivre la loi LAURE et permettre d’atteindre non seulement les valeurs limites de pollution mais d’être en deçà comme l’imposent les articles L222-5 et R-222-32 afin d’aller vers les valeurs cibles. Les Franciliens ont tous droit à un air respirable.
Secteur Agricole
Ce secteur qui contribue à une forte pollution en particules (15 % du total) et à la quasi-totalité de l’ammoniac (93 %) ne s’est pas amélioré durant le PPA 2013. Les agriculteurs via leur atelier proposent trois défis et trois actions qui visent à être mieux former au cycle de l’azote et à l’emploi de l’urée en tant qu’engrais. Nous ne
voyons pas de progrès notable dans cette démarche pour la protection de l’atmosphère.
Ce secteur ne supporte aucune action incitative ou contraignante et ne propose qu’une série d’études dont on se demande l’utilité étant donné que les connaissances sont acquises depuis longtemps.
Exemple : les connaissances sur les fertilisants azotés et leur utilisation sont-elles insuffisantes ? Une revue bibliographique des études sur le sujet ne tiendrait pas dans notre avis tellement le travail de recherches accumulées depuis plus de 30 ans est abondant. A tel point que l’Ecole Nationale Supérieure et son site internet EDUSCOL proposent aux enseignants une mise au point complète sur « L’apport de la chimie dans l’agriculture : les engrais agricoles » publiée le 15 mars 2017. L’utilisation de l’urée, en particulier, y est très
développée...et si l’on examine ce qu’enseignent les chambres d’agriculture des pays européens tel que l’Allemagne, on voit bien que la connaissance du cycle de l’azote et des engrais est enseignée depuis fort longtemps. Rappelons que le chimiste allemand Haber a obtenu en 1918 le prix Nobel de chimie pour la synthèse de l’urée...
Dans les zones de culture intensive, les émissions d’ammoniac à partir du sol peuvent atteindre 40 kg/ ha/an. Or cette molécule subit des transformations dans l’atmosphère en donnant des sels d’ammonium (NH 4+ ) à l’origine de nanoparticules et d’aérosols très toxiques à la fois pour les règnes végétal et animal.
L’agriculture biologique, par ses méthodes adaptées de rotations des cultures sur 7 à 9 ans, permet d’éviter l’apport d’engrais chimiques en les remplaçant par des amendements organiques (résidus de sucreries, compost etc...) pour des rendements qui sont de 70 à 80 % ceux des cultures intensives. Cette agriculture biologique est très insuffisamment développée en Ile de France ; selon l’Agence de Développement de l’Agriculture Biologique, en 2016, notre région est classée avant dernière pour la surface agricole utile avec seulement 2,42 % en Bio, tout juste devant la région Centre-Val de Loire avec 2,32 % mais très loin derrière la région Occitanie avec 25,3 % de sa SAU. Il est inimaginable que la région française la plus riche et la plus peuplée, où la demande d’achats alimentaires de produits Bio augmente de plus de 10 % par an, soit incapable de développer sa production de produits biologiques. Des blocages et des freins à l’installation du Bio existent, et la suppression des aides à l’installation de jeunes agriculteurs ou à la reconversion des exploitations
agricoles en Bio annoncées récemment par le ministère de l’Agriculture ne va pas favoriser une marche en avant d’une agriculture non polluante de l’atmosphère.
Secteur Résidentiel et Tertiaire
Ce sont les modes de chauffage des logements et bureaux et de production d’eau chaude sanitaire (qui produisent plus d’un tiers des particules et oxydes d’azote du bilan d’émission de l’Ile de France) qui sont ciblés dans ce secteur.
Paradoxalement le PPA 2017 oublie dans ses défis et actions, le sujet le plus important qui est la sobriété énergétique via la réduction des pertes thermiques. L’isolation à la fois des logements anciens et en construction devrait être la priorité nationale...
Le projet de PPA 2017 concernant ce secteur ne cible qu’une seule énergie : le bois de chauffage. Une enquête ADEME de 2015 (Le chauffage domestique au bois en Ile de France mars 2015, 161 pages) indique que 800 000 ménages franciliens - soit 16% des ménages franciliens- avaient utilisé un mode de chauffage au bois en 2014. 84% de ces derniers n’utilisaient l’énergie bois que comme un appoint ou un agrément. Le nombre de ménages utilisant le bois comme énergie principale serait de l’ordre de 130 000. Selon le Réseau d’observatoire et statistique de l’énergie en Ile de France (ROSE), en 2014, la consommation d’énergie bois ne représentait que 4% de l’énergie totale utilisée pour le chauffage contre 31% pour les énergies fioul-charbon.
La pollution par le chauffage au bois concernant les particules est élevée selon AIRPARIF, mais le Bois-énergie produit aussi des oxydes d’azote, des composés organiques volatils et des dioxines au moins autant voire plus, selon le mode d’utilisation du bois (sec ou humide, foyer ouvert ou fermé) que le fioul domestique, le gaz et même le charbon. Plus généralement, sur les émissions liées au chauffage, ce sont les émissions des combustibles fossiles qui doivent aussi être réduites. Nous rappelons que, dans l’avis donné sur la partie « chauffage au bois » dans le Plan pluriannuel de production forestière en Ile de France (2012), nous indiquions que la théorie du bois de chauffage comme énergie renouvelable ou carboneutre était fortement contestée à la fois par l’Agence Européenne de l’environnement (Euractiv 2011), des scientifiques de l’INRA (La séquestration du carbone en forêt, colloque
chimie verte 2006, Jean-Luc Dupouey, UMR Ecologie et Ecophysiologie forestière, Nancy) et les analyses des 3climatologues du GIEC. Une étude récente souligne que « cultiver des plants puis stocker le CO 2 qu'ils ont pris à l'atmosphère n'est pas une option viable pour contrecarrer les émissions non réduites provenant de la combustion des énergies fossiles » Lena R. Boysen, Wolfgang Lucht, Dieter Gerten, Vera Heck, Timothy M.Lenton, Hans Joachim Schellnhuber (2017) : The limits to global-warming mitigation by terrestrial carbon removal - Earth's Future (open access AGU journal.
Enfin, le dernier rapport de la FAO sur la forêt dans le monde (2016) montre que 130 000 à 150 000 km 2 de forêt disparaissent chaque année, soit la surface totale de la Belgique, et que cette déforestation est responsable de 20 % des émissions totale de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Cette disparition n’est pas compensée par les éventuelles plantations de substitution... Un pays développé comme la France ne peut utiliser sa forêt comme les pays en voie de développement et doit réserver le bois pour une utilisation plus responsable : construction, meubles, objets d’usage à la place du plastique...et n’utiliser le bois de chauffage que pour les habitats isolés et non en zone urbaine dense.
Secteur industriel
Le chauffage urbain via les incinérateurs de déchets
Trois gros incinérateurs de première couronne St Ouen, Ivry sur seine et Isséane à Issy les moulineaux « valorisent la chaleur produite par l’incinération des déchets ménagers » en chauffant chacun des milliers de logements. Cependant, ces ICPE émettent en milieu densément peuplés des tonnes de polluants de l’air chaque année (PM, NOx, NH3...). Même si la filtration sophistiquée mise en place permet d’en capter la majeure partie, leurs émissions s’ajoutent à la pollution du trafic routier et du chauffage résidentiel...Mais plus inquiétant, il apparaît de nouveaux composés toxiques liés au développement de l’industrie des plastiques ou des retardateurs de feux, les dioxines-bromés. Ces produits ne font pas partie des exigences du PPA mais ils sont potentiellement cancérigènes. Il est nécessaire que l’Etat se préoccupe des nouveaux polluants toxiques.
Les carrières de matériaux et les chantiers
Les chantiers de construction ou d’aménagements sont de très gros émetteurs de particules et l’élaboration d’une charte des chantiers propres est totalement insuffisante si on veut obtenir des résultats. Faire des efforts pour réduire les émissions de poussières apporterait plus de sécurité aux travailleurs de ces secteurs mais aussi à tous les habitants situés dans un proche environnement. Le développement du Grand Paris et ses immenses chantiers nécessitent autre chose qu’une charte : plus de contrôles et éventuellement plus de sanctions. Les carrières sont également source de poussières, et certaines cimenteries franciliennes d’exploitation très ancienne méritent également une vigilance toute particulière. Le transport des déchets et des matériaux génèrent un flux très important de camions qui eux aussi dégradent la qualité de l’air.
Secteur routier
Avec le chauffage résidentiel et tertiaire, le secteur routier est le plus émetteur de polluants : oxydes d’azote et particules en milieu urbain. Plus de la moitié des Parisiens vit en permanence dans un air pollué par les oxydes d’azote.
Pour ce secteur, nous disposons de suffisamment d’études reconnues par les pays qui les ont demandées pour affirmer que les émissions de polluants de l’air de ce secteur sont notablement sous-évaluées. Il est fort probable que les évaluations pour les autres secteurs économiques aient subi de semblable sous-évaluation.
Certes, souvent involontaire et liée aux méthodologies des années 2015 mais depuis de très gros progrès ont été fait et devront être mis en œuvre rapidement.
Le PPA 2017 a fondé sa stratégie sur les émissions des différents types de véhicules, légers et lourds. Cette évaluation des émissions, contrairement aux demandes du Parlement européen (plénière du 14 janvier 2016 Mesure sur route de la pollution des véhicules), ont été faites en laboratoire dans des conditions tendant à reproduire la réalité routière. Ce type d’évaluation a été fortement critiqué par l’association « The International Council on Clean Transportation », l’association qui a dénoncé le scandale Volkswagen. Dans leur rapport de décembre 2016 sur « Les émissions de NOx de véhicules poids lourds et légers diésels en Europe : comparaison des mesures effectuées en condition de circulation réelle sur route et les mesures en laboratoire d’essais officiels » (traduit de l’anglais), elle rapporte les travaux des laboratoires désignés par les gouvernements allemands et finlandais pour évaluer les émissions des polluants en condition de circulation routière pour les véhicules légers et lourds diésels.
Le graphique ci-dessous montre les résultats de l’étude entreprise par le Gouvernement allemand sur 30 véhicules légers diésel européens soumis à la norme Euro 6 comparant les mesures effectuées en laboratoire d’essai et sur route pour les oxydes d’azote. Chaque barre indique dans sa partie inférieure le résultat en laboratoire et la partie haute la mesure effectuée sur route. Sans détailler tous les résultats, le ratio moyen entre la valeur mesurée au laboratoire et celle sur route est de 20 fois...avec, par exemple, une amplitude de près de 80 fois pour le véhicule Renault Kadjar 1,5L et environ 5 fois pour le véhicule Peugeot 308 SW 1,6 L.
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Concernant les poids lourds, les laboratoires finlandais (VTT) et allemand (KBA), suivant les procédures officielles, ont testé les émissions de NOx en circulation routière réelle et les ont comparées aux valeurs des normes Euro 6 et aux véhicules légers sur route. Le constat est clair : les poids lourds émettent deux fois moins de NOx au km que les véhicules légers. Et leur conformité à la norme Euro 6 est plus proche que celle des véhicules légers, dans les essais présentés passant de 0,17 à 5,23 fois la norme du laboratoire d’essai statique.
Le traitement des NOx par les pots catalytiques des camions se fait au moyen d’un additif ADBLUE (mélange d’urée, d’eau) qui réduit très sensiblement les émissions de NOx. Cependant, cet additif coûte cher (1000 €/an par camion). Il existe des petits systèmes électroniques qui trompent le calculateur du moteur en lui faisant croire que de l’ADBLUE est injecté dont le coût est dérisoire (100 €) et en vente libre. Un contrôle systématique en Allemagne a montré que 20 % des camions venant de l’est de l’Europe en sont équipés de ce système. En France, il n’y a pas de contrôle : France Nature Environnement et Mme la députée Delphine Batho l’ont dénoncé en octobre 2016 dans le rapport parlementaire sur l’offre automobile française.
Enfin, les émissions des nouvelles voitures essence à moteur turbocompressé sont plus réduites pour le dioxyde de carbone mais bien plus élevées pour les oxydes d’azotes et les particules les plus fines : ce progrès sur un facteur de dégradation du climat est atténué par une plus grande pollution de l’air...
Pour construire les défis et actions du secteur routier, le PPA 2017 a utilisé les facteurs d’émission de polluants définis en laboratoire. L’exposé ci-dessus montre qu’il y a une forte disparité entre les facteurs mesurés en banc d’essai sur rouleaux et ceux issus du trafic routier en condition réelle. A cela s’ajoutent toutes lesémissions hors moteurs : les particules issues du freinage et des pneus, la poussière remise en suspension par le déplacement de la couche d’air adjacente au sol, les frottements sur la bande de roulement routière soit près de 50 % des particules totales.
FNE Ile-de-France se demande alors ce que représente la modélisation de la pollution routière calculée à partir de données d’émissions dont deux pays très développés ont montré la distorsion par rapport à la réalité routière. D’ailleurs le logiciel de calcul COPPERT 4-11-3 utilisé datant de juin 2015 et utilisé pour le PPA a été rapidement modifié après la publication en octobre 2015 des analyses des véhicules Volkswagen et nous en sommes maintenant à la version COPPERT 5. Cette dernière version prend en compte les progrès accomplis lors de l’évaluation des émissions en condition réelle routière ce qui va fortement augmenter les émissions des véhicules Euro 5 et 6.
Dans ces conditions, les défis et actions du secteur transport ne sont que des mesurettes :
- les plans de déplacements entreprise déjà demandés dans le PPA 2013 sont très en deçà de l’objectif.
- Comment croire que le renouvellement des véhicules coûtera en investissements privés seulement 22 millions d’euros...A 10 000 € de prix moyen pour un petit véhicule, cela fait 2 200 véhicules/an pour un parc d’environ 3 millions de véhicules diésels. Les aides de l’Etat via le Contrat de Plan Etat-Région de 1 590 millions d’€ ne concernent pas uniquement le renouvellement du parc de véhicules mais accompagnent principalement la transition énergétique régionale. Malgré toutes ces différentes aides, dans ces conditions le renouvellement du parc de véhicules diésels pourrait prendre de très nombreuses années.
- Comment imaginer une zone à circulation restreinte à l’intérieur du périmètre de l’A86 sans avoir demandé l’avis des collectivités territoriales ?
On ne lit aucune action directe pour faciliter un meilleur déplacement des Franciliens par l’utilisation plus massive des transports en commun. Rappelons que l’enquête globale Transport en Ile de France de 2010 montrait que chaque jour, il n’y avait que 8 millions de déplacements par les transports en commun contre plus de 21 millions pour les transports individuels motorisés. Heureusement qu’Ile de France Mobilité (STIF) s’équipe progressivement en bus moins polluants.
Secteur Transport aérien
Les trois actions retenues pour le Transport aérien : diminuer l’utilisation des APU (moteurs auxiliaires de production d’énergie) et les émissions des véhicules de service au sol, réduire les émissions des avions lors de leur roulage au sol et améliorer les connaissances des émissions des avions. Ces trois actions sont elles aussi insuffisantes au regard de l’impact de ce mode de déplacement sur la qualité de l’air et sur le climat via ses émissions de GES au sol et en vol. La diminution de l’utilisation des APU figurait déjà au PPA 2013 ainsi que le
l’action sur le roulage...et l’amélioration des connaissances des émissions est à nouveau une étude d’un domaine particulièrement bien connu en France et dans le Monde : encore du temps perdu avant de passer aux actions efficaces. Les deux figures suivantes, issues de la présentation du laboratoire d’ADP au groupe de travail de l’ACNUSA en septembre 2013 et de la présentation de la Convergence associative contre les Nuisances aériennes à l’Atelier du groupe transport aérien du PPA2017 en septembre 2016 démontrent que les connaissances sont déjà bien avancées.
Les émissions des avions et services annexes sont faibles par rapport aux émissions lors du décollage et atterrissages, qui dépassent largement les limites règlementaires pour les oxydes d’azotes.
On peut continuer longuement à faire des études : cela coûte infiniment moins cher que de régler définitivement les problèmes de qualité de l’air.
Le transport aérien est le seul secteur dont le développement va amplifier fortement la dégradation de la qualité de l’air puisqu’on ne peut filtrer la poussée des moteurs à réaction. La croissance du trafic aérien est en constante augmentation (de 3 à 4 % l’an) et les futures manifestations franciliennes (JO 2024, Mondial de Rugby et éventuellement exposition universelle en 2025) vont accroître la croissance du trafic. Un rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques « Les perspectives de l’aviation civile à l’horizon 2030 : préserver l’avance de la France et de l’Europe » présenté le 12 juin 2013 par le sénateur Roland Courteau indique que le transport aérien va doubler d’ici 2030 et que sa consommation de kérosène atteindra alors 500 millions de tonnes/an soit le 1/6 de la production mondiale modélisée pour cette date.
Dans cette perspective, il est temps que les émissions réelles tant de polluants de l’air que de gaz à effet de serre (traînée d’eau, dioxyde de carbone, oxydes d’azote...) soient bien évaluées et ne continuent pas à nous leurrer avec les évaluations de l’OACI organisme international, issu de la convention de Chicago de 1944, qui continue à soutenir que les émissions de gaz à effet de serre émis par le trafic aérien sur la planète sont de l’ordre de 2 %. La consommation de kérosène dans le monde en 2016 infirme totalement cette assertion.
L’attractivité de la capitale ne doit pas faire oublier que des citoyens y vivent et ont droit à un air de qualité. Nous demandons que le transport aérien soit soumis comme les autres activités économiques franciliennes à une réduction du trafic lors des pics de pollution et que des procédures de réduction d’émissions (descente continue pour l’atterrissage, renouvellement rapide de la flotte...) soient actées.
Aménagement du territoire-Métropole du Grand Paris
Alors que le SDRIF 2013 prévoit un accroissement de la population francienne de 1,5 million d’habitants et de 750 000 emplois supplémentaires, il n’y a pas de défis ni d’actions concernant stricto sensu l’aménagement du territoire. L’urbanisation intensive qui se déploie actuellement avec le dépassement des objectifs de la Territorialisation de l’Offre de Logement (TOL) -soit plus de 80 000 logements/an-, le développement des lignes 15 et 16 du Grand Paris Express, le prolongement des lignes de métro 4 et 14, et les jeux olympiques de 2024, et les éventuelles organisations de mondial de rugby et d’exposition universelle (2025), sont vues uniquement via un partage d’expériences avec les collectivités sur la « Ville respirable ».
Le SDRIF 2013 a identifié des points noirs environnementaux cumulant plusieurs types de nuisances (sonores, pollution de l’air, éloignement des transports en commun...) : la Seine-Saint-Denis le long de l’autoroute A1 et les franges de Seine-et-Marne (frontières du Val d’Oise, de la Seine Saint Denis, de l’Aisne, de la Marne et de l’Yonne) sont des territoires à traiter en priorité comme l’a souligné un récent rapport du CESER d’Ile de France.
Actions citoyennes
Les actions proposées par l’atelier constitué de Franciliens associatifs et d’agents de la DRIEE font partie du PPA : mieux se déplacer, mieux se chauffer, mieux consommer. Ce sont les facteurs qui, s’ils sont mis en œuvre, pourraient permettre une amélioration sensible de la qualité de l’air. Toutefois, ils reposent sur des facteurs comportementaux peu faciles à faire évoluer. Comment pourra-t-on proposer ce changement de comportement aux Franciliens si l’Etat via son PPA ne se montre pas plus mobilisateur et exemplaire ? L’ANSES rappelle dans son dernier rapport que nombre d’états dans le Monde et en Europe sont bien plus vertueux que notre pays.
Quelques propositions
Pour le secteur agricole : Modifier les pratiques culturales en allant davantage vers la pratique Bio, Réduire l’utilisation des engrais azotés (l’INRA a montré que les céréaliers en mettaient toujours de trop et qu’une réduction de 30 % sans changement de rendement était possible en fractionnant davantage les épandages) – Généraliser l’utilisation de la géolocalisation des cultures permettant de déterminer les secteurs à l’intérieur d’une parcelle demandant plus d’engrais que d’autres, ces pratiques demandant une mécanisation plus lourde que les aides doivent cibler.
Pour le secteur résidentiel-tertiaire : Ne pas favoriser l’utilisation du bois énergie ...car le bois pollue et n’est que rarement une ressource renouvelable - Favoriser au maximum l’isolation des logements en aidant davantage les citoyens qui le souhaite...il y a 5,5 millions de logements en Ile de France : c’est là que se joue le gain à la fois énergétique mais aussi en terme de qualité de l’air...Enfin développer les énergies renouvelables non polluantes pour le chauffage (géothermie, éolien, solaire....).
Pour le secteur routier : Accélérer le développement des transports en commun propre (Bus et cars électriques ou hybride gaz-électrique) et mieux structurer le réseau de transports en commun francilien tous modes confondus afin de réduire le besoin d’utiliser sa voiture...Aider les franciliens possesseurs de véhicules diésels à acheter ou louer un véhicule propre...Contrôler les camions de toutes origine afin de vérifier qu’ils ne sont pas équipés du module permettant de leurrer le moteur et éviter de mettre de l’ADBLUE... Développer la logistique des derniers kilomètres avec des petits véhicules propres...Ne plus fermer des lignes de chemin de fer desservant les villes, ne plus brader les zones logistiques de la SNCF...
Pour le transport aérien : Obliger les compagnies à réduire le nombre de vols lors des pics de pollution- Améliorer l’évaluation de la pollution de l’air lors du cycle LTO (atterrissage-décollage), la pollution au sol des avions étant minime par rapport à l’envol ou à la descente-Augmenter l’emport et éliminer les avions trop anciens et très polluants (la durée de vie d’un avion est de 40 ans...ce qui limite fortement nos capacités à agir).
Pour l’industrie : Eviter les chartes qui sont rarement suivies-Evaluer mieux le tonnage des déchets du BTP-Surveiller l’apparition de nouveaux polluants de l’air très toxiques issus des incinérateurs.
Pour les Actions citoyennes : Elles sont bien ciblées mais ne pourront inciter les Franciliens à changer de comportement que s’ils peuvent apprécier un Etat exemplaire.
Conclusions
Les actions proposées par le PPA 2017 sont soit la continuation de celles des deux plans précédents, soit des moyens qui nous paraissent insuffisants pour atteindre le deçà des valeurs limites comme l’exige la loi sur l’air et encore moins les valeurs cibles. L’implication financière du plan laisse elle-même très sceptique. Ainsi, les aides au renouvellement du parc routier diésel (3 millions de véhicules environ) sont notoirement insuffisantes. Il n’y a pas de contraintes sur les pratiques agricoles ni sur le transport aérien, et le chauffage résidentiel-tertiaire ne peut se réduire à l’amélioration des poêles à bois.
La loi LAURE a 20 ans d’âge et notre pays est à la traîne des pays européens en ce qui concerne la qualité de l’Air et même mieux il est loin derrière un pays très libéral comme les Etats Unis d’Amérique. Nous avons apprécié que les secteurs économiques et citoyens d’Ile-de-France aient pu travailler en atelier mais l’Etat doit à un moment trancher et si les solutions proposées par les différents ateliers lui paraissent insuffisantes, il doit alors mettre en œuvre les actions permettant de respecter non seulement les lois de notre pays mais aussi les normes européennes. Ces dernières vont d’ailleurs être abaissées prochainement et nous devrions anticiper sous peine d’avoir à refaire un nouveau PPA rapidement.
L’avis de France Nature-Ile-de-France est pour l’ensemble du dossier défavorable au PPA 2017 du fait que les actions concernant les principaux secteurs émetteurs de polluants sont insuffisamment contraignantes.
Elle demande que les injonctions du Conseil d’Etat prises le 12 juillet 2017 en ses articles 2 et 9 soient exécutées avant le 31 mars 2018 ce qui nécessite de revoir le projet de Plan de Protection de l’Atmosphère actuellement en enquête publique. Dans ces conditions, il serait grandement souhaitable d’utiliser les avancées technologiques et les connaissances acquises depuis 2015 pour mieux évaluer les émissions de polluants.
Enfin, la fédération régionale souhaite qu’un comité d’élaboration des nouvelles actions soient mis en place avec toutes les parties prenantes y compris les citoyens.
Avis voté à l’unanimité par le Conseil d’administration de FNE Ile-de-France, le 19 octobre 2017
Pour le Conseil d’administration, Dominique DUVAL, Présidente de FNE Ile-de-France