JURIDIQUE
Droit de l'environnement. La régression par petites touches.
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Lois ELAN, ESSOC, secret des affaires … Bulldozer sur les prérogatives des associations face aux projets industriels et d’aménagement.

Les députés de la majorité se sont appliqués, par des cavaliers législatifs et des dispositions perdues dans des lois multisectorielles, à simplifier la législation, voire à entériner de réelles régressions environnementales par de petites offensives successives. S’il importe d’identifier l’objectif évident de ces modifications du cadre juridique, sécuriser les grands projets d’aménagement et limiter le pouvoir de nuisance des citoyens sur ceux-ci, une synthèse de ces différentes mesures s’impose d’autant plus, afin d’éclairer les acteurs de la protection de l’environnement.
Que les évolutions récentes proviennent du législateur, du pouvoir règlementaire ou même du pouvoir judiciaire, elles dessinent pour la plupart des orientations qui ne paraissent pas orientées vers une meilleure appréhension des problématiques urbanistiques et environnementales. Au contraire, elles portent atteinte aux droits et outils les plus essentiels pour les associations de protection de l’environnement et les citoyens, tels que l’évaluation environnementale ou le droit à un recours, sans que le nouveau principe de non-régression ne parvienne à endiguer ces assauts
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Le projet de loi ELAN, une attaque de front

Le secrétaire d’État chargé de la cohésion des territoires, le précise d’entrée de jeu : « il ne s’agit pas d’introduire ici ou là des ajustements techniques, de faire les « fonds de tiroirs administratifs », comme on dit : c’est un texte (le projet de loi ELAN) qui ose aborder un très grand nombre de sujets. » C’est, en effet, en comptant sur le volume considérable et l’aspect mêle-tout de ce projet de loi que le gouvernement entend apporter sécurité et garanties aux opérateurs d’aménagement et, fort logiquement, contraintes et régressions pour les associations et riverains contestant la validité des autorisations d’urbanisme. Le contrepoids légitime et efficace que constitue l’action des associations de protection de l’environnement depuis des décennies s’en retrouve affaibli, au détriment de l’équilibre qui prévalait dans le rapport de force qu’elles entretiennent en matière d’urbanisme avec les aménageurs et les maires. Sans attendre la promulgation de cette loi, le gouvernement avait déjà publié, le 18 juillet dernier, un décret d’application anticipé (innovation juridique remarquable) simplifiant à gros trait les procédures s’imposant aux opérateurs d’aménagement.

L’ANESTHĖSIE DU CONTENTIEUX DES AUTORISATIONS D’URBANISME

Le projet de loi ELAN déploie un dispositif en quatre temps visant à neutraliser les retards et désagréments du contentieux des autorisations d’urbanisme sur un projet d’aménagement. Directement inspiré du rapport destiné à « améliorer » ce contentieux et présenté par Christine Maugüé, le nouveau dispositif vise à sécuriser les autorisations d’urbanisme en limitant les possibilités de les contester ainsi qu’en bornant l’impact sur ces mêmes autorisations de l’annulation des documents d’urbanisme.

  • Réduire les délais

En premier lieu, le décret du 18 juillet 2018 tend à réduire le délai moyen des jugements rendus en matière d’urbanisme ainsi qu’à ajouter de nouvelles contraintes pour le requérant et le juge administratif. Pour ce faire, le décret prolonge jusqu’en 2022 la suppression du degré d’appel pour les contentieux portant sur les autorisations délivrées dans les communes en zone tendue (cette mesure provisoire devait prendre fin en 2018) (article R. 811-1-1 C. just. ad.), introduit un nouveau délai de dix mois dans lequel le juge administratif doit statuer sur les recours dirigés contre les permis de construire portant sur un bâtiment de plus de deux logements ou les permis d’aménager un lotissement (nouvel article R. 600-6 C. urb.), réduit le délai de recours après achèvement de la construction d’un an à six mois (article R. 600-3 C. urb.), élargi l’obligation de notification du recours au bénéficiaire de l’autorisation et à l’autorité qui l’a délivré à l’ensemble des décisions relatives à l’occupation ou l’utilisation du sol (article R. 600-1 C. urb.).

  • Réduire les voies contentieuses

En second lieu, le dispositif mis en place par le gouvernement restreint les voies contentieuses offertes aux requérants. Le décret précité impose, en effet, une cristallisation automatique des moyens, ce qui interdit au requérant d’ajouter de nouvelles demandes à son mémoire au-delà d’un délai de deux mois après la production du premier mémoire en défense (article R. 600-5 C. urb.). Parallèlement, le projet de loi ELAN modifie les conditions d’utilisation du référé-suspension, qui permet à un tiers qui a formé un recours en annulation d’obtenir provisoirement la suspension de l’exécution du permis de construire. Le référé-suspension assorti à un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire ne peut plus, désormais, être exercé que dans le délai de cristallisation des moyens de deux mois mentionné plus avant (article L. 600-3 C. urb.). De cette manière, les requérants ont donc moins de temps pour alimenter leur requête, de même que les tiers pour exercer un référé-suspension, là où ils n’étaient précédemment contraints que d’attendre le début des travaux ou leur imminence pour utiliser ce recours, car la condition d’urgence était alors remplie. Après cristallisation des moyens, le référé-suspension s’avèrera ainsi inutilisable malgré le commencement des travaux, alors même que le permis de construire court toujours le risque d’être annulé par le juge. Cette nouvelle restriction renforce la possibilité de passage en force de projets douteux, sans que les associations ne puissent réclamer leur suspension provisoire le temps de l’action en justice (ce qui assombrit considérablement l’avenir du référé-suspension dans le contentieux de l’urbanisme).
Cette mesure est, par ailleurs, assortie d’une autre disposition issue du décret du 17 juillet 2018 qui contraint le requérant dont le référé-suspension a été rejeté pour défaut de moyen sérieux de confirmer le maintien de sa requête en annulation, faute de quoi il sera réputé s’être désisté (il peut être précisé qu’auparavant, le fait de voir sa demande de référé repoussée n’entrainait aucune conséquence matérielle sur la requête au fond) (article R. 612-5-2 C. urb.). En outre, le projet de loi vient appauvrir de manière notable les mécanismes de l’exception d’illégalité et de l’annulation par voie de conséquence dans le domaine des autorisations d’urbanisme, de manière à distinguer plus encore l’illégalité du PLU de celle du permis de construire délivré sur son fondement. Auparavant, le requérant pouvait obtenir l’annulation d’un permis s’il prouvait que le plan sous l’empire duquel il avait été délivré est illégal et que le permis méconnaît les règles remises en vigueur, issues du plan précédent, voire de celui encore antérieur, et à défaut des dispositions supplétives du Règlement national d’urbanisme (RNU).
Le projet de loi Elan introduit une nouvelle disposition qui neutralise cette possibilité de demander l’annulation d’un permis obtenu sur le fondement d’un PLU illégal dès lors que l’annulation ou la déclaration d’illégalité repose sur « un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet » (article L. 600-12-1).

  • Consolider les permis existants

 En troisième lieu, le nouveau dispositif vise à consolider les permis existants en facilitant la régularisation des permis annulés, au profit du constructeur. Le projet de loi ELAN étend les pouvoirs de régularisation conférés au juge de l’autorisation d’urbanisme, ce qui relativise grandement les annulations spectaculaires de projets d’aménagement par le juge administratif, puisque les autorisations ont de plus en plus de chance d’être régularisées. Cette disposition semble achever un processus de réparation rétroactive initié par le législateur et le juge depuis une décennie, qui aboutit à ce que le juge n’annule désormais un permis de construire que s’il ne peut être réparé par un permis modificatif. A cet effet, le juge a la possibilité de n’annuler que partiellement un permis de construire ou de surseoir à statuer si l’illégalité est régularisable (article L. 600-5 et L. 600-5-1. C. urb.). Pis encore le juge administratif y est à présent contraint, au travers d’une obligation de motivation en cas d’annulation totale. Par ailleurs, il n’est plus possible de contester les autorisations de construire modificatives qu’à l’occasion d’une action dirigée contre le permis initial (article 600-5-2 C. Urb.), ce qui limite encore plus la marge de manœuvre des requérants.

  • Affaiblir les associations

En quatrième lieu, le projet de loi ELAN et son décret s’emploient à miner l’action des requérants, ce qui, de manière à peine voilée, constitue une arme de dissuasion massive dirigée contre les associations de protection de l’environnement. Il s’agit pour le gouvernement d’introduire, en amont, de nouvelles contraintes liées à l’intérêt à agir des associations, ainsi qu’à renforcer, en aval, les outils destinés à lutter contre les « recours abusifs ». Concernant l’intérêt à agir, il convient de rappeler qu’une loi de 2013 avait introduit des conditions plus restrictives à sa reconnaissance par le juge pour les recours formés contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager (article L. 600-1-2 C. urb.). Le projet de loi étend ces conditions strictes aux recours contre les déclarations préalables de travaux. La rédaction de l’article L. 600-1-2 est, de surcroit, modifiée de manière à ce qu’il vise le projet et non plus les travaux, dans l’intention d’exclure du champ de l’intérêt à agir les travaux de chantier. Il faudra donc désormais apprécier l’intérêt des voisins au regard du projet autorisé tel qu’il existera après les travaux. Le requérant doit désormais joindre à sa requête toutes pièces démontrant son intérêt à agir (article R. 600-4 C. urb.). Concernant la lutte contre les recours abusifs, obsession de nombres de gouvernements depuis les années 90, le projet de loi ELAN assouplit les conditions de mise en œuvre de l’action en réparation (pour demander des dommages et intérêts) que peut engager le bénéficiaire d’un permis de construire à l’encontre de l’auteur d’un recours abusif. Cette faculté était précédemment subordonnée à la double condition que le droit de former un recours soit mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et de l’existence d’un préjudice excessif pour le bénéficiaire du permis (article L. 600-7 C. urb.). Le projet de loi ELAN assouplit ces conditions en supprimant la condition de « préjudice excessif » ainsi que la présomption d’action légitime qui bénéficiait initialement aux associations agréées de protection de l’environnement. Cette disposition fait peser un risque financier accru sur les associations actives dans le contentieux de l’urbanisme puisqu’il suffit désormais que le recours traduise un comportement abusif de la part du requérant pour qu’il puisse être condamné à réparer le préjudice causé.

L’APLANISMENT DES CONTRAINTES LIĖES A l’AMĖNAGEMENT

Parmi les mesures du projet de loi qui constituent des régressions sur le plan environnemental, certaines viennent démanteler des sentinelles juridiques contre l’aménagement, qui avaient pourtant fait leurs preuves. Parmi celles-ci, la loi Littoral de 1986, qui a fait des littoraux français un modèle international de développement durable en freinant la spéculation immobilière sur les littoraux, tout en ouvrant la possibilité d’aménagements concertés dans les zones d’urbanisation existantes et en permettant à certaines activités économiques et agricoles indissociables de la mer de prospérer. Le projet de loi ELAN a été amendée de telle manière qu’elle facilite les constructions aquacoles et ostréicoles sur le domaine public maritime dans les espaces proches du rivage, ou encore pour rendre possible la construction de sites de traitements des déchets en Outre-mer. Après une navette parlementaire ayant vu plusieurs assauts frontaux dirigés contre la loi littoral, permettant notamment de combler les « dents creuses » (zones situées entre deux hameaux ou deux villages, que la loi littoral avait sanctuarisé) et de favoriser les projets photovoltaïques en bord de mer, le gouvernement a été contraint de rétropédaler face à la pression des associations et des députés de l’opposition. Il n’en demeure pas moins que ces aménagements sont favorisés dans les dents creuses, au moyen d’une procédure de modification simplifiée des documents d’urbanisme et de critères lâches tels que celui de la construction « à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics ». Autre écran de fumée, la soumission de l’autorisations de ces constructions à un avis préalable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS), dont la gouvernance déséquilibrée ne permet pas d’en faire un garde-fou efficace (article L. 121-8 C. urb.).

Par ailleurs, le projet de loi ELAN fissure quelque peu le garde-corps à l’altération des monuments historiques et espaces protégés que constitue l’architecte des bâtiments de France (ABP) en transformant son avis conforme (le maire ne pouvant passer outre) en un avis simple (sans incidence sur la décision prise) en cas d’opérations de lutte contre l’insalubrité ou d’implantation de nouvelles antennes relais.

Concernant ces dernières, un cavalier législatif savamment dissimulé dans la loi ELAN (article 62) vient supprimer le délai de deux mois entre le dépôt du dossier d’information auprès du maire et la demande d’autorisation d’urbanisme, qui permettait auparavant l’information et la concertation du public autour de l’implantation des antennes relais. Ce délai avait été récemment introduit par la loi « Abeille » de 2015, à l’issue d’un long bras de fer parlementaire, sous la pression torpide du lobby des opérateurs de téléphonie mobile. La loi réduit également de deux à un mois le délai minimal entre le dépôt du dossier d’information et le début de travaux visant à modifier substantiellement des installations radioélectriques.

Le projet de loi ELAN contient ainsi un grand nombre de dispositions qui, sous des titres rassurants, favorisent la précipitation dans le secteur de l’aménagement, tout en restreignant le droit à un recours effectif.

2. UNE MYRIADE DE PETITES RĖGRESSIONS

 

La période actuelle voit se multiplier, en plus des attaques frontales, de nombreuses régressions subreptices qui viennent affaiblir la législation environnementale. Motivées par la simplification du droit ou par la simple opinion que les recours et l’évaluation environnementale « freinent » les projets, une myriade de petites modifications de l’encadrement juridique des plans, programmes et projets, bien que circonscrites et isolées les unes des autres, développe peu à peu une matrice délétère pour la protection de la nature.

  • Une raréfaction de la procédure d’enquête publique

Sous couvert de simplification des différentes procédures, la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance, dite Essoc, tend à généraliser le recours à la procédure de concertation au détriment de la procédure classique d’enquête publique. La disposition concernant l’environnement la plus symptomatique de cette loi est sans doute l’article 56 puisqu’il remplace l’enquête publique par une participation électronique pour les projets nécessitant une autorisation environnementale et ayant donné lieu à concertation préalable. Ce dispositif expérimental, de trois années sera potentiellement généralisé par la suite. Alors que les questions sanitaires et environnementales préoccupent de plus en plus les citoyens, les modalités de participation à ces projets se réduisent ainsi considérablement. Outre les disparités territoriales ou générationnelles existant dans l’accès à l’outil numérique, certaines personnes peuvent également refuser d’être contraintes d’user de cet outil. De plus, il doit être précisé qu’il n’y a pas de commissaire enquêteur ou de commission d’enquête dans le cadre de la participation électronique.

Les préfets ne sont pas en reste puisque certains d’entre eux se sont vus attribuer de nouveaux outils permettant de contourner les normes urbanistiques et environnementales pour une durée de deux ans par le décret du 29 décembre 2017. Ce décret leur confère le droit de déroger aux normes réglementaires « pour un motif d’intérêt général » dans les domaines de l’ « environnement, agriculture et forêts », « construction logement et urbanisme », « aménagement du territoire et politique de la ville » et s’applique aux décisions non réglementaires (autorisations individuelles, déclarations d’utilité publique etc.) Dans le but de raccourcir les délais procéduraux, le décret n’exclut pas que la dérogation serve à contourner une règle de fond et pas seulement de procédure, ce qui pose de réelles difficultés puisque rien ne justifie, en matière d’environnement, des traitements particuliers liés à un contexte local.

  • La limitation du champ des évaluations environnementales

Il est important de noter qu’en matière d’installations classées, le pouvoir réglementaire intervient de plus en plus par le biais d’arrêtés ou de décrets afin de déclasser certaines activités du régime d’autorisation à celui de l’enregistrement, de l’enregistrement à déclaration, et même parfois du d’autorisation à celui de la déclaration. Or, la réalisation d’une étude d’impact d’un projet n’est automatique que dans le cadre d’une procédure d’autorisation, elle ne l’est pas dans le cadre des procédures d’enregistrement et de déclaration. Il faut ainsi comprendre que de nombreuses activités qui faisaient l’objet d’évaluations environnementales en seront désormais exemptées.

Le décret n° 2018-435 est entré en vigueur le 4 juin 2018 en est le dernier exemple. A titre d’illustration, le décret limite, pour les installations Seveso (installations particulièrement nocives et dangereuses) l'obligation d'évaluation environnementale aux seules créations d'établissement ou aux modifications faisant entrer un établissement dans cette catégorie. Dans les cas de modifications substantielles, auparavant également soumis à l’obligation de réaliser une étude d’impact, il y aura désormais seulement un examen au cas par cas par l'autorité environnementale qui pourra considérer que l'évaluation n'est pas nécessaire. Ce décret modifie également la rubrique relative aux forages en profondeur. Il exclut tous les projets de géothermie de minime importance de l'obligation d'évaluation, que celle-ci soit systématique ou au cas par cas. Jusque-là, les forages de plus de 100 mètres étaient soumis à un examen au cas par cas. Or, comme l’explique l’association Humanité et Biodiversité « Quand on touche à la biodiversité et l'environnement, la moindre action peut avoir un impact considérable et grave, d'autant plus que les activités de GMI peuvent aller jusqu'à 200 mètres de profondeur, ce qui est largement suffisant pour occasionner des dégâts considérables, comme le prouve l'exemple de Lochwiller ».

  • La complication de l’action contentieuse des associations

En matière de contentieux, la pérennité de projets semble actuellement primer sur le respect de leur légalité, la loi ELAN ne venant ainsi qu’aboutir une tendance vivace et délétère qui voit primer en tout point l’économie sur toute autre considération environnementale ou sociale.

La volonté de simplifier la participation du public dans le cadre de la création d’une zone d’aménagement concerté (ZAC), prévu dans le projet de loi ELAN est à rapprocher de la loi Pinel de 2014 qui avait amorcé cette évolution libérale de ce qui est sans doute l’un des outils urbanistiques les plus repoussants jamais créés. La loi Pinel s’était efforcée d’empêcher que les projets déposés en commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), ne puissent être contestés par les associations de protection de l’environnement. Auparavant la création d’un équipement commercial pouvait donner lieu à deux contentieux distincts, l’un contre l’autorisation d’exploitation commerciale délivrée par la CDAC (recours administratif devant la Commission nationale d’aménagement commercial) et l’autre contre le permis de construire. Au sein de la procédure « simplifiée » introduite par la loi Pinel et consistant à fusionner la délivrance du permis de construire et l’autorisation d’exploitation commerciale, les décisions des CDAC et des CNAC sont ramenées au rang d’avis conformes préalables à la délivrance du permis de construire et ne peuvent plus faire l’objet de recours juridictionnels. Seul le permis peut être déféré devant le juge administratif par les associations de protection de l’environnement, qui s’en retrouvent une nouvelles fois affaiblies dans leur action.

Par ailleurs, en matière d’urbanisme, le décret du 17 juillet 2018 précité impose désormais au requérant qui s’est vu débouter de sa demande de référé-suspension de confirmer expressément sa volonté d’intervenir au fond dans un délai d’un mois après le rejet de sa demande de suspension, sous peine de voir sa demande au fond rejeté. Auparavant, le fait de voir sa demande de référé repoussée n’entrainait aucune conséquence matérielle sur la requête au fond.

Enfin, le Conseil d’Etat contribue à ce contexte de recul environnemental en indiquant dans un avis du 22 mars 2018 que, face à une irrégularité procédurale relative à l’information du public qui peut avoir eu une influence sur le sens de la décision, le juge des installations classées est susceptible de « fixer des modalités de régularisation adaptées permettant l’information du public, qui n’imposent pas nécessairement de reprendre l’ensemble de l’enquête publique ». Ce pouvoir de régularisation pourra de surcroît potentiellement être mis en œuvre sans que l’exploitation de l’installation soit suspendue. En urbanisme comme en droit de l’environnement industriel, le non-respect des règles de fond et de procédure se voit pénaliser de moins en moins lourdement, ce qui ne favorise par le respect de ces législations.

En outre, le Conseil d’Etat estime désormais qu’il n’est plus possible de soulever une exception d’illégalité, c’est-à-dire de contester la légalité d’un document en mettant en exergue l’illégalité de la norme sur laquelle il se fonde, concernant un défaut dans la procédure d’édiction du document initial. Aussi, le tribunal administratif ne pourra plus invalider un permis de construire en raison de la méconnaissance des règles de procédure de l’édiction du plan local d’urbanisme de la commune concernée. (CE, 18 mai 2018). Selon le conseil d’Etat, le principe de sécurité juridique, ou de stabilité, prévaut donc sur le principe de légalité des actes. N’est-ce pourtant pas l’office même du juge administratif que de s’assurer de la légalité des actes pris par l’administration ?

L’ensemble protéiforme que constitue la présente synthèse a pour dessein de mette bout à bout des évolutions qui abondent toutes dans un sens défavorable à l’environnement. A tel point qu’il est légitime de s’interroger sur l’efficacité du tout nouveau principe de non régression, qui a nourri de grands espoirs chez les militants écologistes. (Voir la fiche juridique du Liaison n°181).

Pas certain, dans un tel contexte, que le salut de la nature puisse émerger d’un cadre juridique ambitieux, qui au lieu de se perfectionner, périclite peu à peu.

Maxime COLIN et Léo de LONGUERUE

Juristes

 

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