AGRICULTURE ET ALIMENTATION
La sortie des pesticides
Préserver les milieux et les riverains
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La question des pesticides irrigue régulièrement l’actualité, sur fond de conflits locaux, d’actions contentieuses et de nouveaux rapports alarmants sur leur impact sanitaire et environnemental.
Les outils permettant l’atténuation de leurs incidences ont pourtant peu d’effets sur le terrain.
Alors que la France s’était fixée comme objectif dans le cadre du Grenelle de l’environnement de diviser par deux sa consommation de pesticides, la tendance actuelle démontre au contraire une augmentation croissante de leur utilisation comme du nombre de produits contenant des molécules toxiques. Si les outils les plus efficaces pour limiter leur impact demeurent la mise sur le marché des pesticides, leur taxation, la PAC et le retrait immédiat des substances les plus préoccupantes, l’attention est de plus en plus tournée vers la protection des populations lors des épandages de pesticides. Sur ce point, il existe plusieurs mécanismes qui participent d’un même objectif essentiel : protéger les zones à enjeux particuliers.
Protéger les milieux aquatiques
Un accent particulier est mis sur la protection des aires d’alimentation de captage (AAC), destinées à la consommation d’eau potable. A cet égard, l’Agence de l’eau Seine-Normandie a réalisé plusieurs études comparant les coûts du traitement curatif (des nitrates et des pesticides) lui permettant d’affirmer régulièrement que « le préventif est toujours moins cher que le curatif ». Un périmètre de protection autour du point de prélèvement permet ainsi un cloisonnement efficace avec les traitements phytosanitaires. L’efficacité de ce mécanisme tient principalement à la consistance de la protection juridique des AAC puisqu’ils sont définis par déclaration d'utilité publique (DUP).
La situation se révèle bien différente dans le reste du réseau hydrographique puisqu’une étude a révélé que 92 % des cours d’eau surveillés en France sont pollués aux pesticides. A cet égard les zones de non-traitement (ZNT) sont censées protéger depuis 2006 les aires en bordure des « points d’eau », composés des cours d’eau ainsi que des éléments du réseau hydrographique figurant sur les cartes 1/25 000 de l'IGN. La marge de manœuvre laissée aux préfets pour cartographier les linéaires protégés a induit une disparition de nombreux d’entre eux, considérés à tort comme des fossés, notamment en Ile-de-France (voir article #Liaison188). Alors qu’un rapport du CGEDD juge défaillante la mise en place des ZNT sur la plupart du territoire, les annulations d’arrêtés préfectoraux se succèdent devant les tribunaux, jugeant la définition des points d’eau illégale (FNE a obtenu l’annulation de 29 arrêtés jusqu’ici).
Protéger les riverains des épandages
Autre imbroglio largement prévisible, le mécanisme mis en place par le gouvernement pour protéger les riverains de l’épandage de pesticides a été jugé inconstitutionnel par une décision du 19 mars dernier. Depuis, les chartes d’engagement franciliennes, permettant aux agriculteurs de déroger aux distances minimales d’épandage et de traiter à la lisière des habitations sont toujours publiques et appliquées, malgré leur illégalité.
A l’image des tâtonnements du Gouvernement concernant la mise sur le marché du seul glyphosate, l’imbrication complexe de normes volontairement mal-conçues en matière de ZNT rend donc illusoires tant la bonne information du public que leur respect par les agriculteurs.
Maxime COLIN
Juriste à FNE Ile-de-France