LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE AU CŒUR D'UN PROJET DE GIEC
Conférence du 14 mai 2022
À l'occasion de notre Assemblée générale annuelle, le 14 mai 2022, nous avons assisté à une intervention d'André Cicolella, président du Réseau Environnement Santé, et de Jean-Pierre Grenier, vice-président de l'AVL3C, sur la santé environnementale. Tous deux ont souligné l'importance des déterminants environnementaux dans la santé des populations, notamment franciliennes.
A l’occasion de notre Assemblée générale, nous avons tenu une conférence et un échange sur le thème « La santé environnementale au cœur d’un projet de GIEC », avec
- André CICOLELLA, président du Réseau Environnement Santé, chercheur en santé environnementale, spécialiste de l’évaluation des risques sanitaires.
- Et Jean-Pierre Grenier, Président de Bien Vivre à Vernouillet, Vice-Président d’AVL3C
André Cicolella a rappelé son parcours de lanceur d’alerte sur les éthers de glycol, qui lui a valu son poste avant d’être rétabli par la Cour de cassation. Il a joué un rôle de premier plan dans le plaidoyer pour faire reconnaître le rôle de lanceur d’alerte dans la législation française, par le biais notamment d’un colloque au Sénat en 2008.
Sur l’environnement, il remarque que « les climatosceptiques ne tiennent plus le haut du pavé » : les choses avancent dans le bon sens. Or, il en va autrement sur la santé environnementale et l’explosion des maladies chroniques. Il rappelle ainsi que le diabète dans le monde est passé, dans les années 1980, de 108M de cas, à 550M de cas aujourd'hui. En 2006, le mot diabétogène a été forgé pour rendre compte des facteurs environnementaux du diabète, tout comme le mot obésogène, qui s’applique non seulement à l’alimentation ultra transformée et aux adjuvants qui y sont présents, ainsi qu’aux sucres mais plus globalement aux grandes familles de perturbateurs endocriniens comme le BPA ou les phtalates.
Il remarque que la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens comprenait des mesures intéressantes, mais n’était appuyée sur zéro financements. Il demande un ministère de la santé environnementale, qui chapeauterait l’alimentation, retirée au ministère de l’agriculture et la consommation.
Dès lors, il propose, avec de nombreuses organisations réunies à Grenoble le 19 mars, la création d’un GIEC de la santé environnementale à travers l’Appel de Grenoble. Le RES et les organisations signataires veulent croire qu’un tel organisme accroîtrait encore la crédibilité de la recherche en ce domaine. Au-delà de cette proposition, il se questionne sur la nécessité de la création d’un GIEC de la santé globale, capable de prendre en compte tous les déterminants de la santé (concept « One Health »).
André Cicolella a présenté, entre autres, la Charte des Villes et Territoires sans perturbateurs endocriniens portée par le Réseau Environnement Santé, structure qu’il a créée. Celle-ci a désormais été signée par de nombreuses régions françaises, au premier rang desquelles l’Île-de-France. Aujourd’hui, 1 Français sur 2 vit dans une collectivité signataire de la Charte. Le RES a aujourd’hui deux salariés, financés par des conventions avec les collectivités locales.
Par ailleurs, il a salué le tournant historique que constitue selon lui la feuille de route de la Commission européenne pour lutter contre les substances chimiques dangereuses pour la santé et l’environnement. Celle-ci entérine une interdiction par groupe de substances, plutôt que des interdictions au cas par cas et se donne un objectif de « 0 pollution chimique » en 2050, avec des interdictions strictes dès 2030, notamment sur les PVC.
Ceux-ci contiennent en effet des taux importants de phtalates, désormais reconnu comme perturbateur endocrinien. De nombreux troubles du langage sont associés à cette substance, qui touchent jusqu’à 1 enfant sur 4 dans les populations défavorisées : les sols en PVC, qui contiennent jusqu’à 40 % de phtalates, sont en effet légion dans les HLM. La lutte contre les PE doit permettre de faire reculer les grandes maladies infantiles . Cela permet de construire un discours positif sur la santé environnementale, remarquant que l’on ne mobilise pas par le discours de la crainte. Le Réseau Environnement Santé mène ainsi des actions de sensibilisation au sujet des phtalates, substance nocive contre laquelle le RES se bat, dans des lycées.
Jean-Pierre Grenier a complété cette intervention en montrant que la santé doit être prise en compte à toutes les étapes d’un projet d’aménagement et dès sa conception, et que celui-ci doit tout prendre en compte : bâti, santé, urbanisme, accès à la nature…
L’un des indicateurs de l’Observatoire Régional de Santé de l’IDF (ORS-IDF) montre que la perte d’espérance de vie des habitants en Ile-de-France se chiffrait en mois, de 6 mois à 18 mois selon la zone d’habitation pour la mauvaise qualité de l’air.
Jean-Pierre Grenier a signalé que les Points Noirs Environnementaux* concernaient plus particulièrement les zones où on implantait les logements sociaux. Une étude a pourtant montré que les inégalités face à la santé sont accentuées par les inégalités économiques et sociales.
Il recommande aux associations de toujours mettre en avant ces enjeux de santé lors des enquêtes publiques, et de sans cesse rappeler les chiffres et les cartes disponibles de l’ORS-IDF aux élus.
Il a annoncé le lancement du groupe de travail « Santé et environnement » de France Nature Environnement Ile-de-France, orienté vers des publications opérationnelles pour aider les associations à aborder cet enjeu crucial de la santé environnementale.
*Points Noirs Environnementaux : secteurs qui cumulent deux ou plusieurs nuisances environnementales parmi la pollution de l'air, le bruit, la pollution des sols, la pollution de l'eau distribuée et la présence d'installations d'élimination des déchets.
Pour aller plus loin :
- Colloque national maladies infantiles, habitat, perturbateurs endocriniens : jeudi 6 octobre 2022, École des Mines Albi-Carmaux
- De la fourche à la fourchette... Non ! L'inverse ! - Conférence gesticulée de Mathieu Dalmais