CLIMAT : entretien avec Valérie MASSON-DELMOTTE

Redresser le cap et relancer la transition énergétique

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191 Valerie Masson Velo credit Montaine DelmotteMerci de me donner la parole, et merci à tous pour votre action pour la nature et l’environnement en Ile-de-France.

Nous faisons face à des crises en cascade, crise sanitaire, mais aussi économique, sociale, et crises de confiance. Elles exacerbent les inégalités, et révèlent de multiples fragilités, tout particulièrement l’absence de préparation et de gestion préventive de risque.

Le changement climatique s’accélère

Je suis chercheuse en sciences du climat et m’interroge profondément sur la manière de mieux partager les connaissances scientifiques, pour éclairer les choix possibles et leurs conséquences. Nous vivons tous avec les conséquences d’un climat qui change vite, et qui affecte les écosystèmes marins et terrestres, et chacun de nous. C’est particulièrement visible avec l’augmentation de l’intensité, la fréquence, et/ou la durée d’évènements extrêmes comme les vagues de chaleur, les sécheresses, les épisodes de pluies torrentielles, et les conditions favorisant les incendies de forêt, mais parfois plus insidieux, par exemple du fait des conséquences de l’accélération du rythme de montée du niveau des mers pour les régions littorales. Maîtriser les risques climatiques demande d’agir efficacement pour réduire fortement les rejets de gaz à effet de serre, mais aussi l’exposition et la vulnérabilité aux aléas climatiques. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

La réduction des gaz à effet de serre est très insuffisante

Le rapport 2020 du Haut Conseil pour le Climat souligne que les évolutions institutionnelles et législatives sont encore trop éparpillées, et que l’évaluation des lois en regard du climat a peu progressé. La réduction des émissions de gaz à effet de serre en France stagne, et est insuffisante. Les retards les plus importants portent sur le transport (30 % des émissions) et le bâtiment (20 %). La crise sanitaire de 2020 a conduit à une baisse brutale mais temporaire des émissions de CO2 du fait du confinement entre janvier et mai (-13 %), marginale par rapport aux transformations de fond à mettre en œuvre pour construire une transition bas carbone juste.

Alors que 2019 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée en Europe, les crises sanitaire et économique sont des tests de résistance pour l’ambition climatique du gouvernement français. Si une seule recommandation devait être conservée du rapport 2020 du Haut Conseil pour le climat, elle serait de bannir tout soutien aux secteurs carbonés du plan de reprise et de l’orienter le plus possible sur des mesures efficaces pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre. D’abord, ne pas nuire ; ensuite, construire pour la transition bas-carbone.

Une relance économique via une adaptation forte aux économies d’énergie, un défi !

Les politiques de reprise peuvent combiner un fort impact économique et climatique en se concentrant sur les infrastructures d’énergie propre, la rénovation et l’efficacité énergétique des bâtiments, les investissements dans l’éducation et la formation, les investissements dans le capital naturel et la résilience des écosystèmes (sols, forêts, agroécologie), ainsi que dans la R&D sur la décarbonation. Cela apporterait de multiples bénéfices en matière de réduction de la pollution atmosphérique, de la précarité énergétique, pour la biodiversité et pour la santé publique. Qu’attendons-nous ?

Valérie MASSON-DELMOTTE
Co-présidente du groupe 1 du GIEC

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